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prendre bientôt, en public, la route des cachots. Ainsi, dans chaque chancellerie épiscopale du royaume, les scribes devaient aligner, sur des feuilles de papier qu’on expédierait à Rome, la série de ces confesseurs prédestinés à l’honneur d’administrer et de souffrir. Du 24 au 26 juin, les évêques se réunirent à Fulda : ils discutèrent quelle devait être l’attitude de l’autorité diocésaine et des fabriciens en face des commissaires séquestres, lorsqu’ils viendraient abaisser la main de l’État sur les biens d’une cure dite vacante, et décidèrent qu’on devait ignorer ces intrus ; ils s’occupèrent du désir qu’avait la Prusse de mêler à l’administration de l’Eglise les fidèles laïques ; ils concertèrent des instructions à leurs prêtres, sur les diverses difficultés auxquelles pourrait donner lieu la loi prussienne sur le mariage civil : ils stipulèrent que si dans une école un inspecteur scolaire laïque voulait, en présence du prêtre et sans son assentiment, faire subir aux enfans un examen de religion, le prêtre devait se retirer ; ils défendirent aux prêtres que frapperait une mesure d’expulsion ou d’internement, d’en appeler devant la cour royale pour affaires ecclésiastiques, à qui l’Eglise refusait toute compétence.

Les évêques n’étaient qu’un cœur et qu’une âme ; il n’en était plus aucun dont le casier judiciaire eût pu demeurer vierge… La foi de Ketteler sentait planer sur leur émouvant cénacle une aide visible de Dieu.

Leurs délibérations demeuraient secrètes, mais déjà l’État prussien savait quel accueil réservaient les chanoines et quel accueil réservait le peuple aux sommations et aux invites contenues dans les nouvelles lois de Mai. Le détenu Ledochovski avait, depuis le 15 avril, cessé d’être archevêque aux yeux de l’État ; Je 9 juin, les chanoines de Posen furent invités à nommer un administrateur épiscopal, et les bureaucrates, qui prévoyaient leur réponse, survinrent le même jour pour séquestrer les diverses caisses diocésaines et installer un commissaire dans le palais même du primat de Pologne. Le doyen les reçut ; il subit sommations sur sommations, ne céda qu’à des menaces d’effraction, montra l’une des clefs de la caisse, laissa aux policiers la peine de la prendre, refusa d’envoyer quérir l’autre chez l’agent archiépiscopal qui la détenait, laissa les policiers aller la chercher, scanda d’une protestation formelle tous les actes d’exécution ; et quatre jours après, les chanoines