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déclaraient qu’ils ne nommeraient pas d’administrateur dpiscopal. Ils avaient un archevêque, Ledochowski, que ni Dieu ni l’État n’avaient encore fait mourir. Les chanoines n’obéissaient pas ; le peuple, aussi, restait froidement rétif : dès le 3 juillet, les paroissiens de Grasdorf, dans le diocèse d’Hildesheim, étaient convoqués pour élire un curé, ils s’y refusaient. Les nouvelles lois de Mai, comme les anciennes, se heurtaient à une inertie passive.

L’Eglise, prisonnière et souffrante, regardait avec sérénité s’épanouir et déborder, sous la pression même de ces entraves et comme pour protester contre elles, la vie religieuse du peuple : dans la première quinzaine de juillet, les foules catholiques se mettaient en branle, dans toute la Prusse occidentale, pour vénérer à Aix-la-Chapelle les fameuses reliques. Le chiffre des visiteurs atteignit un million ; l’une des trois lignes de chemin de fer qui desservaient la ville distribuait 9 000 billets de plus qu’elle ne l’avait fait sept ans plus tôt, pour le précédent pèlerinage. Ils étaient assaillis, sous la coupole du vieux Munster, par les souvenirs grandioses d’un autre Empire, d’un Charlemagne, d’un Otton II, qui avaient aimé l’éclat de la tiare. De leurs âmes que l’Empire nouveau mettait en deuil, de leurs âmes pour qui la jouissance des sacremens devenait désormais incertaine, s’échappaient, comme en nuage, des bouffées de prières, qui ne formulaient rien et exigeaient beaucoup.

Ils ne prévoyaient pas, assurément, quels autres échos, trente ans plus tard, rempliraient ce même Munster, et comment le second successeur de Guillaume Ier serait un jour célébré et remercié, au nom de l’Eglise d’Allemagne, par le troisième successeur de Melchers, du haut de la merveilleuse chaire que fit incruster un Otton.

Les prières rêveuses et contemplatives qu’égrenaient quinze jours durant les pèlerins de 1874 n’aspiraient pas à de tels miracles. Elles ne demandaient pas à Dieu que Guillaume Ier continuât Charlemagne, mais tout simplement qu’il continuât Frédéric-Guillaume IV, son bon frère toujours regretté, Frédéric-Guillaume IV, le romantique qui avait libéré l’Eglise.


VIII

Soudainement, le 13 juillet, aux bains de Kissingen, un coup de pistolet, retentit ; il érafla la main de Bismarck et recula