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fut réintégré dans la marine et fait contre-amiral en 1793[1].

Si quelques-uns des officiers qui servirent en 1773-1771 sous les ordres du chevalier de Kerguelen, prirent énergiquement son parti, d’autres le dénigrèrent ou se tinrent à l’écart. Son second du Rolland, le lieutenant de vaisseau Ligneville, n’hésita pas à lui écrire en 1775, « qu’il pensait se retirer du service, outré que la fausseté l’emporte sur la vérité[2]. »

L’enseigne Pagès, dans la relation qu’il fit de cette campagne, affecte d’ignorer son ancien commandant ; bien plus, il substitue sur les cartes, au nom d’ « îles de Kerguelen, » celui d’ « Iles Australes nouvelles[3]. »

Cook n’eut pas cette désinvolture. On lit, en effet, dans le tome Ier de son troisième voyage, ce passage caractéristique : « Les navigateurs français imaginèrent d’abord que le cap Saint-Louis était la pointe avancée d’un continent austral. Je crois avoir prouvé, depuis, qu’il n’existe point de continent austral et que la terre, dont il est ici question, est une île de peu d’étendue. J’aurais pu, d’après sa stérilité, lui donner fort convenablement le nom d’Ile de la Désolation, mais pour ne pas ôter à M. de Kerguelen la gloire de l’avoir découverte, je l’ai appelée la Terre de Kerguelen[4]. »

Quand, en décembre 1776, le célèbre navigateur anglais écrivait ces lignes, publiées après sa mort, il ignorait le second voyage du marin français, qui avait lui-même rectifié son erreur et reconnu le caractère insulaire de ce prétendu continent.

On sait que Cook avait été chargé par son gouvernement de vérifier nos découvertes de 1772 et que, le 24 décembre 1776, il rencontra le cap Bligh (île Rendez-vous ou Réunion, de Kerguelen, la plus septentrionale du groupe), qu’il plaça par 48° 29′ Sud et 68° 40′ Est de Gr.[5]. Le 25, la Résolution et la Découverte

  1. Revue bretonne. « Revue des provinces de l’Ouest, » t. VI et les Gloires maritimes de la France, par MM. Levot et Doneaud. Paris, Arthus Bertrand, 1866.
  2. Relations de deux voyages dans les mers australes, par M. de Kerguelen, p. 109.
  3. Voyages autour du Monde et vers les deux pôles, par terre et par mer, pendant les années 1767, 68, 69, 70, 71, 73, 74 et 1776, par M. de Pagès, capitaine des vaisseaux du Roi, etc. Paris, Moutard, 1782, t. I, pl. I et tome II, Voyage au pôle Sud, 1773 et 1774, pl. VI et Pagès 59 à 75.
  4. Troisième voyage de Cook ou Voyage à l’Océan Pacifique, exécuté sous la direction des capitaines Cook, Clerke et Core, sur les vaisseaux la Résolution et la Découverte, en 1776, 77, 78, 79 et 1780, traduit par M. D. — Paris, hôtel de Thou. rue des Poitevins, 1785.
  5. Ibid., p. 76.