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est question de l’acquisition du Luxembourg, ce qui se comprend en août 1866, le sort de ce duché n’étant pas encore fixé, et ce qui était une impossibilité à la fin de 1867, au lendemain de la transaction acceptée par la France et par la Prusse, qui instituait la neutralité du Luxembourg et le plaçait sous la sauvegarde collective de l’Europe, ne le laissant plus, par conséquent, à la disposition, soit de la Prusse, soit de la France. La velléité de 1866 n’avait été qu’une pensée fugitive, qui ne se traduisit par aucun acte d’exécution ; elle fut presque aussitôt abandonnée qu’écoutée ; à partir de 1867, elle ne demeure plus dans l’esprit de l’Empereur que comme un mauvais cauchemar, et ne tient plus aucune place dans ses projets diplomatiques : il était plus mécontent d’avoir demandé que de n’avoir pas obtenu. Regrettant d’avoir favorisé sans profit le principe de la conquête et d’avoir abandonné sans prévoyance celui des nationalités, il flotta de 1867 à 1870 en incohérence et indécision, n’osant ni accepter, ni répudier les conséquences de ses complaisances fatales.

Pour ma part, à aucun prix je n’avais voulu que la France s’opposât par l’intervention diplomatique, ni par la guerre, à la libre constitution de l’Allemagne, mes vues au-delà du Rhin étaient semblables à celles que j’avais toujours défendues au-delà des Alpes ; mais ne pas empêcher ne nous obligeait pas à aider, car aider était encore une intervention dans les affaires d’un pays étranger, dont nous devions nous abstenir. Lors de la formation de mon ministère en 1869, j’indiquai cet état d’esprit, à l’Empereur dans mes lettres et mes conversations. Notre politique doit consister à enlever à M. de Bismarck tout prétexte de nous chercher querelle et de rendre belliqueux son roi qui ne l’est pas. Il y a deux tisons de guerre allumés, il faut mettre résolument le pied dessus et les éteindre : C’est, au Nord, la question du Sleswig ; au Sud, celle de la ligne du Mein. Quoique très sympathique aux Danois, nous n’avons pas le droit d’engager notre pays dans un conflit, pour assurer la tranquillité de quelques milliers d’entre eux injustement opprimés. Quant à la ligne du Mein, elle a été franchie depuis longtemps, du moins en ce qui nous intéresse : les traités d’alliance n’ont-ils pas créé l’unification militaire de l’Allemagne, et le renouvellement du Zollverein son unité économique ? L’unité allemande contre nous est finie ; ce qui reste encore à faire,