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VI

L’effet de ces révélations de Bismarck fut surtout sensible en Angleterre. La Reine, allemande par ses inclinations comme par ses souvenirs, s’était prononcée ardemment contre nous. Son journal nous l’apprend : « Le docteur Macleod a prêché d’une manière admirable sur la guerre, et, sans nommer la France, il a fait comprendre à tout le monde ce qu’il voulait dire en montrant comment Dieu punit la méchanceté, la vanité, et la sensualité. Les passages des prophètes et des psaumes qu’il a lus étaient vraiment extraordinaires, tant ils semblaient applicables à la France.  » La Reine ne se contenta pas de nous être personnellement hostile ; elle pesa sur son Cabinet de toute son influence qui n’était pas médiocre, surtout sur Granville, particulièrement dévoué. La publication du traité Benedetti changea en malveillance accusée sa malveillance sourde. Nous eussions désiré que le gouvernement anglais communiquât à ses Chambres les détails de la négociation secrète de Clarendon relative au projet de désarmement : cela eût fourni à l’opinion anglaise la preuve que nous tramions la paix et non la guerre. Granville fit entendre à La Valette qu’il lui était difficile de tenir compte de ce désir : la position du gouvernement britannique lui imposait une réserve absolue entre les deux partis ; quant à la négociation même à laquelle La Valette avait fait allusion, son gouvernement s’était engagé, à cet égard, à un secret absolu. Gladstone, de son côté, en réponse à une interpellation de Seymour, avoua que des communications avaient été échangées entre Clarendon d’une part, la France et la Prusse de l’autre, mais « il n’en restait aucune trace officielle, et comme Clarendon leur avait toujours conservé un caractère confidentiel, il pensait, d’accord avec Granville, que, même dans le cas où il en existerait des traces officielles, le Cabinet de Londres, en vue des égards dus aux deux puissances, ne se considérerait pas comme autorisé à les faire connaître.  »

Le gouvernement anglais proclama sa neutralité le 19 juillet et consentit même à assumer la protection de nos nationaux en Allemagne, en se déclarant prêt, toutefois à accepter la même mission si on le lui demandait au profit des Allemands en France. Mais ce fut des États-Unis que la Prusse réclama ce bon office.