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II

Il est très vraisemblable qu’en tout temps, et même après les invasions, et même avec la procédure du combat singulier, les personnes en querelle se cherchaient, devant le juge, un assistant : amparlier, avant-parlier, cet assistant, qui exposait l’affaire et donnait les argumens, faisait évidemment office d’avocat. Devant les cours ecclésiastiques, qui gardaient l’organisation romaine, son rôle était plus habituel, mieux défini. Mais il faut venir jusqu’à la fin du XIIIe siècle et jusqu’au XIVe pour trouver le collège des avocats, la corporation constituée, le Barreau enfin, qui donne à chacun de ses membres la force d’une association dont on ne connaît pas la pareille. L’ordonnance de 1274 avait exigé des avocats une discipline, un serment ; le règlement de 1340 fixe les termes du serment, et donne le moyen d’assurer la discipline : un tableau sera dressé chaque année ; il portera les noms des avocats admis, qui, tous, de par l’inscription, auront à la fois le droit de plaider et le devoir d’observer les règles, à peine de sanctions sévères. Il n’est pas encore question de l’Ordre : le mot n’apparaîtra que plus tard, mais dès lors l’institution existe.

Elle existe, non point absolument distincte, ni avec la seule fonction de consulter et de plaider, comme on la Verra au XVIIIe siècle ; elle est encore liée à celle des procureurs qui font les écritures, et cela par les occupations communes aussi bien que par l’attache religieuse. Les avocats et procureurs forment une même confrérie, celle de Saint-Nicolas : ils célèbrent ensemble sa fête, le 9 mai, par une assemblée et par un dîner ; et la confrérie a des dignitaires, dont l’un est qualifié d’un nom qui a traversé les âges : il porte la bannière, le bâton du saint, et on l’appelle : « le Bâtonnier. » Toutefois, si le Barreau tient de la sorte et pour assez longtemps aux procureurs, il est surtout attiré par le grand corps judiciaire du Parlement. Entre le Parlement et l’Ordre des avocats, l’union est étroite, elle est intime ; c’est elle qui caractérise le mieux la situation de l’Ordre sous l’ancien régime, et qui explique son développement, ses progrès, sa chute enfin à l’aube de la Révolution.

Pour se former et se maintenir, une telle union devait pro céder d’abord de la volonté très ferme du Parlement. Le corps de ces magistrats, si fortement constitué lui-même, voulut en