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discipline : les peines étaient soigneusement graduées suivant les fautes ; elles commençaient à l’amende fixe ; elles s’élevaient ensuite par l’amende arbitraire, l’expulsion de l’audience, la suspension et la privation de postuler, pour aller jusqu’à l’emprisonnement à la Conciergerie. Ces sanctions auraient pu réprimer tous les abus ; elles servirent surtout à les prévenir. Les condamnations restèrent extrêmement rares. Le pouvoir du Parlement s’était affirmé : mais le respect de la justice et des magistrats s’installait déjà. Il suffisait, mieux que les peines disciplinaires, à donner au Barreau la modération du langage, la parfaite correction des manières et le souci de la vérité.

Par ailleurs, et d’une façon qui déroute nos habitudes modernes, ce Parlement orgueilleux, à coup sûr, et si jaloux de sa grandeur, se tenait beaucoup plus proche de son Ordre d’avocats que ne le font nos tribunaux d’à présent. Quelquefois c’était encore pour le morigéner, et pour rappeler les jeunes gens à la gravité qui sied à l’homme de robe. Ainsi la coupe de la barbe était sévèrement surveillée. À cet égard, le Parlement suivait la mode royale, mais sans hâte : tour à tour, les magistrats eurent la figure rasée, puis la barbe complète comme Henri IV, puis la petite moustache comme Louis XIV, et ils entendaient que le Barreau, surtout le jeune Barreau, se fit accommoder exactement comme eux. Il est ainsi recommandé aux jeunes gens de ne pas se présenter au Palais avec des moustaches cavalières, dressées « à la turquesque. » On saisit, dans ces observations, le souci d’une certaine tenue commune. Il faut noter au surplus que, durant plusieurs siècles, le costume, aussi, fut à peu près pareil. Les avocats comme les magistrats avaient la robe d’écarlate. Ils ne cessèrent de la porter que dans le cours du XVIe siècle. Leur coiffure avait été d’abord le chaperon d’où descendait une bande d’étoffe fourrée d’hermine ; puis la forme changea : la coiffe resta le bonnet, et la bande d’étoffe devint l’épitoge qui s’attache sur l’épaule. Ainsi modifié pour la plus grande commodité, le chaperon représentait un privilège qui rapprochait le Barreau du Parlement, et des premiers magistrats. Loisel, dans son Dialogue des avocats, fait remarquer qu’il n’appartient pas aux conseillers des enquêtes, qu’il est réservé à « Messieurs » de la Grand’Chambre, et que le Barreau a donc l’honneur de leur être ainsi associé ; le chaperon, c’est, mieux encore que la robe, l’insigne