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Parlement pour plaider devant lui, ils déclarèrent que leur devoir les fixait à Paris, qu’aucune autorité ne pouvait les forcer de se rendre à Pontoise ; et ils ne s’y rendirent pas. Le Parlement restait exilé, mais la justice restait suspendue, et il en fut ainsi jusqu’à ce que la Cour eût réintégré son Palais, à Paris, où elle ne laissa pas ignorer au Barreau la satisfaction qu’elle éprouvait de sa conduite. Un demi-siècle plus tard, dans une épreuve plus rude infligée à la Cour, la conduite des avocats fut aussi ferme. Le Parlement, cette fois, avait été non pas seulement exilé, mais, si l’on peut dire, escamoté, pour faire place à ce corps de magistrats improvisés, qu’on baptisa aussitôt « le Parlement Maupeou. » Trois années passèrent, de 1771 à 1774, où ces juridictions furent maintenues, à Paris et dans les provinces, contre un des mouvemens d’opinion les plus forts qui aient précédé la Révolution. Durant cette crise, le Barreau témoigna d’une manière énergique vers qui se portaient sa sympathie et sa fidélité. Les avocats, d’abord, avaient refusé de plaider. Quand ils furent contraints de se présenter à la barre, après de longs mois d’inaction, ils se bornèrent à prétexter des projets d’arrangement qui entraînaient l’ajournement des débats, et laissaient les audiences vides. Enfin, ils durent reprendre l’exercice de la profession. Mais ils limitaient leurs rapports avec les magistrats à ce qu’exigeaient strictement les affaires. Ils continuaient d’ailleurs, d’accord avec l’opinion, à manifester leurs regrets de l’ancienne Cour ; ils entretenaient le regret public ; leur attitude enfin prolongeait cette déconsidération que, dès l’abord, ils avaient librement affichée. Et le jour vint, après la mort de Louis XV, où le rappel des anciens Parlemens parut une nécessité politique aussi bien que judiciaire : le Barreau avait contribué de toutes ses forces à cette réparation : il montra que cette revanche était aussi la sienne.

Une si longue et si parfaite union ne semble avoir été troublée vraiment qu’en une circonstance, qui fut grave. L’histoire de cette querelle est familière aux hommes du Palais ; elle l’est moins au public. Les avocats ont toujours revendiqué le droit de fixer leurs honoraires, d’accord avec le client, suivant l’importance du service rendu, et sans avoir à subir aucune espèce de contrôle qui rabaisserait leur dignité et celle de la profession. Cependant l’ordonnance de Blois, en 1579, leur avait prescrit de donner des quittances qui permettraient au besoin la critique et