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l’Oriental, quelle que soit sa nationalité ou sa religion, n’a pas, du juste et de l’injuste, pas plus que du vrai et du faux, la même conception que l’Occidental ; vérité, justice, ne sont pas pour lui des absolus qui ne doivent plier devant aucune contingence ; qu’il en pâtisse ou qu’il en bénéficie, un Oriental ne s’étonne jamais de la partialité, qui lui apparaît comme une manifestation naturelle de la force. Le juge turc a une tendance inconsciente à donner raison, à l’État et au « bon citoyen » ottoman. Des progrès avaient été faits, en Macédoine, sous le régime des réformes européennes, grâce à la vigilance de Hilmi pacha, à une meilleure sélection des magistrats et à une répression énergique de la concussion. Les heureux effets de cette sévérité se font encore sentir, mais les troubles qui ravivent, en Macédoine, la fureur des passions nationales, ont offert à une justice partiale des tentations auxquelles elle n’a pas toujours su résister. Les Jeunes-Turcs désirent avec impatience que les grandes puissances renoncent au bénéfice des Capitulations ; ils conviendront eux-mêmes qu’il ne saurait en être question avant le jour où une magistrature instruite, intègre, indépendante, capable de donner tort à l’État lorsqu’il n’a pas raison, aura fait ses preuves dans tout l’Empire.

L’auxiliaire indispensable de la justice, la gendarmerie, a ressenti les bons effets de la réorganisation générale de l’armée et des directions excellentes données, eu Macédoine d’abord, durant 1ère des « réformes, » dans tout l’Empire ensuite, depuis la révolution, par les officiers européens spécialement chargés de ce service. Le général italien de Robilant a le titre d’inspecteur général de la gendarmerie réorganisée ; il est parfaitement secondé par un chef d’état-major français, le commandant Lamouche, et par plusieurs officiers européens. En Macédoine, nous le verrons, l’opération du désarmement a donné aux gendarmes l’occasion de montrer qu’ils savent encore mériter leur mauvaise réputation d’autrefois. Dans cette région, les officiers européens sont tenus à l’écart ; on s’applique à leur enlever toute influence et à leur cacher ce qui se passe, comme si l’on redoutait en eux des témoins clairvoyans.

Ce qui brille, plutôt que ce qui dure, séduit les peuples et les partis « jeunes. » Un bataillon qui défile musique en tête frappe plus les imaginations que le lent et patient labeur qui doit faire refleurir la richesse dans un pays ruiné par des siècles de