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bons effets que lorsque seront données, comme cela se fait chaque mois en France, des indications exactes sur la rentrée des impôts comparée à celle de l’exercice précédent et aux prévisions budgétaires. Souvent l’inexpérience des fonctionnaires rend inefficaces les réformes les plus utiles : il en a été ainsi de l’introduction, en mars 1910, de la comptabilité en partie double ; l’ignorance des employés est telle que ce nouveau système les a absolument déroutés et rebutés, si bien que, en maints endroits, ils ont préféré renoncer à toute comptabilité ! Cet état de choses se modifiera peu à peu, à mesure que des fonctionnaires compétens se formeront ; déjà un service d’inspection des finances fonctionne avec des jeunes gens qui sont venus en France s’initier à nos méthodes et au fonctionnement de nos institutions fiscales. Mais on n’a pas encore préparé la réforme de l’assiette et de la perception de l’impôt. En Macédoine, les dîmes sont toujours affermées, la plupart du temps aux grands propriétaires de tchiflik, qui deviennent ainsi, en même temps que propriétaires, agens de la puissance publique, et qui en abusent. Les Jeunes-Turcs ont déjà des financiers habiles qui se rendent compte de la nécessité de réformes profondes ; mais lisez les journaux nationalistes et même la conférence que Halil bey, président du parti Union et Progrès, a faite à Salonique : à les en croire, dès qu’on aura soumis les étrangers aux mêmes impôts et patentes que les Ottomans, tout sera sauvé, car si les finances de la Turquie ne sont pas prospères, la faute en est aux Capitulations. Nous ne citons ces exagérations que pour montrer qu’ici encore ce sont les impatiences d’un nationalisme imprévoyant et intolérant qui constituent, pour la Jeune-Turquie, le seul péril sérieux.

Sous l’ancien régime, on peut dire qu’en Turquie l’instruction publique n’existait qu’à l’état embryonnaire : budget insignifiant, écoles très peu nombreuses, mal organisées et mal installées, personnel ignorant et mal payé, absence de programmes, de livres, de matériel d’enseignement, tel était le bilan. La situation actuelle est un peu moins lamentable ; pareille création, certes, ne s’accomplit pas en un jour, mais il semble que les progrès auraient pu être plus sensibles. Aucune réorganisation générale n’a été tentée ; il n’y a eu que des efforts locaux, sous les auspices des comités Union et Progrès. Les journaux turcs eux-mêmes critiquent vivement l’inertie du