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servis, si l’Autriche gardait son rôle de brillant second et si elle ne se croyait pas plus avisée et plus puissante que l’Allemagne. » Voilà le mot juste : M. d’Æhrenthal s’est lassé du rôle de brillant second, ou plutôt il n’a jamais voulu s’en contenter. On l’accuse même, lorsqu’il a rendu compte aux Délégations des événemens politiques de l’année précédente, de n’avoir pas été assez pénétré de la reconnaissance que l’Autriche devait à l’Allemagne. Il est possible, au total, que la situation du comte d’Æhrouthal soit un peu ébranlée. Quoi qu’il en soit, rien de ce qu’on avait annoncé ne s’est réalisé. La situation ne s’est pas sensiblement modifiée entre la Russie et l’Autriche. On a dû avouer un jour que l’archiduc héritier d’Autriche-Hongrie n’irait pas aux chasses de Skierniewice, ni même aucun autre archiduc, et, à partir de ce moment, ces chasses n’ont plus présenté aucun intérêt, Enfin M. le comte d’Æhrenthal est toujours à son poste et nous n’en sommes pas surpris, nous qui savons combien le sacrifice de son ministre des Affaires étrangères au ressentiment d’une autre nation est pénible à la dignité d’un grand pays. De tous les bruits qui avaient couru autour de l’entrevue de Potsdam, que reste-t-il aujourd’hui ?

L’entrevue n’aura donc pas les conséquences dans lesquelles s’était complu l’imagination allemande, et M. de Bethmann-Hollweg a dit la vérité quand il a annoncé qu’il n’en résulterait aucun renversement de nature à ébranler le monde. Chaque fois que l’empereur de Russie et l’empereur d’Autriche se sont rencontrés, on a prédit des changemens dont aucun ne s’est jamais produit. Il n’était même pas nécessaire alors d’opérer un rapprochement entre les deux gouvernemens, rien encore ne les ayant éloignés l’un de l’autre. Aujourd’hui, il y avait lieu à rapprochement ; le rapprochement a eu lieu, et les choses ont été remises dans l’état où elles étaient avant la brouille. Qu’y a-t-il eu de plus ? Le projet relatif aux chemins de fer d’Asie : nous avons dit ce qu’il fallait en penser. On annonce que, dès les premiers jours de la reprise des travaux, la Chambre entendra une interpellation sur la politique étrangère : nous attendons avec confiance le discours de M. Pichon.


FRANCIS CHARMES.

Le Directeur-Gérant, FRANCIS CHARMES.