Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 1.djvu/487

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA GUERRE DE 1870

LA DÉSILLUSION DIPLOMATIQUE[1]


I

Un officier prussien était attaché à la personne du Tsar et un russe à celle du roi de Prusse. Dès que la rupture eut été consommée entre la France et la Prusse, le Roi chargea son officier russe de porter au Tsar une lettre confidentielle dans laquelle il faisait appel à son amitié pour le protéger contre l’intervention de l’Autriche. Le Tsar, esprit court, imprévoyant, violent et bon tout ensemble, sans personnalité dans les idées, plein de respect pour la mémoire de son père, faisait toujours passer les sentimens avant les considérations politiques, intraitable quand il obéissait à une impulsion de son cœur. Il se montra tel en cette occasion. Il promit sans hésiter et en toute effusion. Le Roi annonça la bonne nouvelle à la Reine : « La Russie seule s’est déclarée non seulement pour la neutralité bienveillante, mais a laissé entrevoir davantage[2]. » « Cet engagement du Tsar vis-à-vis de son oncle, a dit Bismarck, ne paraissait pas résulter d’un traité en règle : il reposait uniquement sur la parole du souverain et n’en était que plus obligatoire[3] : » telle était identiquement la nature de l’engagement contracté par François-Joseph et Victor-Emmanuel envers Napoléon III.

  1. Voyez la Revue du 15 janvier.
  2. Lettre du roi de Prusse à la Reine, 19 juillet 1870.
  3. Jules Favre, Défense nationale, t. I, p. 266.