Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 1.djvu/490

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

écrit au roi de Prusse que je vous ferais cette déclaration en mon nom et au sien. Je n’attends pas un démenti. Quant à moi, ma parole vous est donnée aussi longtemps que votre neutralité restera non armée et que vous ne ferez pas de démonstrations, ni de fortes concentrations militaires. J’espère que vos suspicions, du côté de la Prusse, seront écartées par mes assurances et les garanties qu’elles vous donnent. Tâchons de garder la paix, nous-mêmes et de la rendre à l’Europe par notre concours étroitement lié. Si vous avez quoi que ce soit à me dire, demandez à me voir, je vous recevrai à toute heure avec plaisir, car c’est une époque sérieuse que nous allons traverser et chaque jour peut avoir sa tâche. Pour moi, je n’ai augmenté mes troupes ni d’un homme, ni d’un cheval, je vous l’affirme. Les concentrations ordinaires à Varsovie, quelques petites mesures de sécurité intérieure, voilà tout. Priez l’Empereur en mon nom de faire de même. »

Il ne peut donc exister aucun doute sur la volonté du Tsar. Lorsque la passion russe eut succédé chez nous à la passion polonaise et que l’alliance fut devenue populaire, nous eussions voulu effacer le souvenir de cette infidélité à un amour qui n’était pas encore né. Nigra, dans une étude diplomatique, rappelant que la Russie avait fait savoir à Vienne et à Paris que, si l’Autriche tirait l’épée en faveur de la France, la Russie se mettrait du côté de la Prusse, on lui reprocha chez nous d’avoir voulu méchamment mettre obstacle à l’alliance franco-russe et aucune de nos Revues en renom ne consentit à insérer son travail. Mais le gouvernement russe ne s’indigna point. « Ces pages diplomatiques, m’a écrit Nigra, ont été d’abord soumises à M. de Giers, alors ministre des Affaires étrangères de Russie, auquel j’avais déclaré que j’étais tout disposé à m’abstenir de les publier, pour peu qu’il trouvât que cette publication pouvait déplaire ou ne pas convenir au gouvernement russe. Et cet homme d’Etat, après avoir mis ces pages sous les yeux de son Empereur, m’écrivit qu’on ne voyait aucun inconvénient à dire la vérité, et que l’attitude du gouvernement russe en 1870 était parfaitement justifiée par les circonstances de l’époque. »

En général, Gortchakof se montrait plus français que le Tsar. Cette fois, il fut beaucoup plus hostile. Sa vanité était piquée des préférences que nous avions témoignées à l’Autriche en Orient. Après avoir, le 13 juillet, traversé Berlin où il vit