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l’empereur Napoléon a daigné le charger. Ces paroles impériales, ainsi que les éclaircissemens que M. le duc de Gramont a bien voulu y ajouter, ont fait disparaître toute possibilité d’un malentendu que l’imprévu de cette guerre soudaine aurait pu faire naître. Veuillez donc répéter à Sa Majesté et à ses ministres que, fidèles à nos engagemens tels qu’ils ont été consignés dans les lettres échangées l’année dernière entre les deux souverains, nous considérons la cause de la France comme la nôtre, et que nous contribuerons au succès de ses armes dans les limites du possible. »

Cette lettre a une importance capitale. Elle tranche le doute si souvent élevé sur l’existence d’engagemens réciproques entre les souverains de France et d’Autriche et sur leur nature. Leur existence n’est pas douteuse ; Beust les constate en termes formels : « fidèles à nos engagemens. » Ces engagemens ne se réduisent pas, comme il l’avait dit récemment le 11 juillet à Metternich, à l’interdiction pour chacun des alliés de traiter séparément avec une autre puissance, ni, comme il le prétendra plus tard, à exercer sur les neutres une action bienveillante à notre profit. Ils ont plus de portée : l’Autriche devra considérer la cause de la France comme la sienne et la soutenir par les armes autant qu’il lui sera possible. Ici une objection s’élève : si telle est la valeur de cet engagement, la neutralité, qui implique l’abstention, en serait une première violation. Beust nous rassure aussitôt : ce n’est qu’un stratagème provisoire destiné à dérouter l’ennemi commun.

Après avoir constaté, au lieu de la nier comme précédemment, l’obligation d’une assistance armée, il explique pourquoi elle ne sera pas immédiate : « N’en déplaise au général Fleury, nous croyons savoir que la Russie persiste dans son alliance avec la Prusse et que notre entrée en campagne amènerait sur-le-champ celle de la Russie, qui nous menace non seulement en Galicie, mais sur le Pruth et sur le Bas-Danube. Neutraliser la Russie, l’amuser jusqu’au moment où la saison avancée ne lui permettrait plus de concentrer ses troupes, éviter tout ce qui pourrait lui fournir un prétexte d’entrer en lice, voilà ce qui doit, pour le moment, être le but ostensible de notre politique. Dans ces circonstances, le mot de neutralité que nous prononçons, non sans regrets, nous est imposé par une nécessité impérieuse et par une appréciai ion logique de nos intérêts solidaires. Mais cette neutralité n’est qu’un moyen, le moyen de nous rapprocher