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matériellement moins préparés à la guerre que nous ne l’étions. Ensuite, cette crise arrive dans le moment le plus inopportun pour nous au point de vue de notre situation politique à l’intérieur. De plus, la puissance toujours assez redoutable de la Prusse se trouve fortement accrue par l’attitude de l’Allemagne qui prend fait et cause pour elle. Enfin nos propres populations allemandes entraînées par le sentiment général à leurs frontières sont prêtes à perdre de vue les intérêts autrichiens pour n’écouter que les passions germaniques. Toutes ces considérations, par lesquelles la France ne s’est point laissé arrêter, sont pour nous autant de chaînes qui entravent singulièrement notre liberté d’action. Dans cette situation, nous n’avions donc plus le choix, et la déclaration de neutralité devenait une nécessité absolue. C’est ce que je me suis efforcé de vous faire expliquer par Metternich, et je vois avec plaisir qu’on commence à reconnaître en France qu’il ne nous était pas permis d’agir autrement. Ce que je vous demande maintenant, c’est d’avoir confiance dans notre amitié qui vous est acquise et de pas croire à un manque de bonne volonté de ma part. Il est certain que la France se trouve aussi dans une position plus difficile, par suite des circonstances défavorables que j’ai indiquées tout à l’heure. Je ne vois d’autre moyen d’en sortir que par un redoublement de force et d’énergie. Il faut absolument qu’un premier succès des armes françaises vienne dégager la situation et amène un revirement qui nous rende aussi la tâche plus facile. Aujourd’hui, je le répète, nous avons les mains liées. La déclaration de neutralité nous était impérieusement commandée, et ce serait un acte trop déloyal, envers le pays lui-même, comme envers l’Europe, si, dès le lendemain, nous signions un traité secret avec une des puissances belligérantes. Votre lettre du 19 traite d’un point qui mérite assurément toute notre attention. Je veux parler de l’influence que l’attitude de l’Autriche peut exercer sur celle de la Russie. C’est encore là un motif qui me porte à croire qu’une démonstration militaire de l’Autriche dans le moment actuel n’offrirait pas d’avantages à la France. Nous avons la conviction que toute démonstration de ce genre en provoquerait d’analogues de la part de la Russie. Il ne peut être de l’intérêt de la France d’amener cette puissance sur la scène de l’action. Ses forces paralyseraient tout au moins les nôtres, et la France se trouverait toujours seule en face de l’Allemagne. Quant à vos indications