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sur des négociations à suivre avec le Cabinet de Pétersbourg, il me paraît superflu d’en parler, puisqu’un télégramme subséquent nous demandé de ne point agir. Je crois d’ailleurs que nous devrions y regarder à deux fois avant de nous engager dans des négociations avec le gouvernement russe. La crainte qu’il inspire est le moyen d’action le plus puissant pour amener tous les partis, en Hongrie aussi bien que dans les provinces cisleithanes, à comprendre la nécessité d’armer. Ce motif n’existerait plus si des négociations entamées avec la Russie inspiraient une plus grande confiance dans ses intentions réelles. Metternich reçoit par le même courrier des communications dont il vous entretiendra. Je le charge entre autres de vous transmettre les explications qui me sont fournies par notre envoyé à Stuttgart pour se disculper des reproches d’avoir tenu un langage hostile à la France. Je suis enchanté d’avoir ici le prince de La Tour d’Auvergne, qui contribuera certainement à écarter la possibilité d’un malentendu entre nous. Vous connaissez trop bien mes sentimens personnels pour douter de leur réalité. Mais je ne suis pas fâché d’avoir un témoin impartial de ma sincérité ainsi que des difficultés qui m’entourent, et votre ambassadeur actuel ne tardera pas, j’en suis sûr, à comprendre parfaitement quelle est notre situation. Croyez à tous mes bons vœux, mon cher duc, et recevez en même temps l’assurance de ma haute considération. » (29 juillet 1870.)

Comme le ton de cette lettre diffère de celle écrite à Metternich le 20 juillet ! Les mots de confiance, d’amitié, y sont encore prononcés, mais avec quelle retenue ! Plus la négociation se prolonge, plus les bonnes dispositions de Beust se refroidissent ; c’est que quelque chose commence à se modifier dans son esprit, ainsi que dans celui de tous les hommes attentifs d’Europe. On avait cru à une entrée en campagne foudroyante de la France, on la voyait sur le Rhin, au cœur de l’Allemagne, et elle demeurait immobile, sur place, n’osant pas faire un pas en avant. Est-ce que par hasard, commençait-on à se demander tout bas, ce ne serait pas elle qui serait la vaincue et non la victorieuse ? Et les bonnes volontés s’attiédissaient. Les temporisations de Beust, toujours enveloppées d’espérance, accroissaient les indécisions stratégiques de l’Empereur. Maintenant, ce sont ces indécisions stratégiques qui réagissent sur les velléités d’alliances. Beust, après avoir filandreusement repoussé, par des raisons déjà