Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 1.djvu/632

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans la créance qu’après ma mort, ils gagneront le royaume de France ; mais quand ils seraient cent mille godons de plus qu’ils ne sont maintenant, ils n’auront pas le royaume. » Ces paroles indignèrent le comte de Stafford, qui tira sa dague à moitié pour la frapper, mais le comte de Warwick l’en empêcha. « A quelque temps de là, continue Macy, pendant que j’étais encore à Rouen, Jehanne fut conduite sur la place qui est devant Saint-Ouen. Là fut faite une prédication par Nicolas Midi (erreur ; c’était Guillaume Erard). Entre autres choses, je l’ai entendu dire : « Jehanne, nous avons la plus grande pitié de vous ; il faut que vous rétractiez ce que vous avez dit, ou que nous vous abandonnions à la justice séculière. » Jehanne répondit qu’elle n’avait fait aucun mal ; qu’elle croyait les douze articles de ta foi et les dix commandemens de Dieu ; elle ajoutait qu’elle s’en rapportait à la cour de Rome, et qu’elle voulait croire tout ce que croyait la sainte Eglise. Malgré toutes ces paroles, on la pressait fortement de se rétracter. Elle répondait : « Vous vous donnez beaucoup de peine pour me séduire. » Pour éviter le péril, elle dit qu’elle était contente de faire tout ce qu’on voudrait.

« Alors, un secrétaire du roi d’Angleterre, là présent, son nom était Laurent Calot, tira de sa manche une petite feuille écrite, et la donna à Jehanne pour qu’elle la signât. Jehanne répondait qu’elle ne savait ni lire, ni signer. Nonobstant cette réponse, le secrétaire Laurent Calot lui présentait la feuille et la plume pour qu’elle signât ; et Jehanne, en se moquant, fit un rond. Laurent Calot prit alors la main de Jehanne avec la plume et lui fit faire un signe dont je n’ai pas souvenance.

« Je crois Jehanne en paradis. »

Autant Aymond de Macy est précis dans la scène de la prison, autant il est incomplet pour ce qui se rapporte à Saint-Ouen. Il se trompe sur le nom du prédicateur, il omet beaucoup de détails et n’a pu entendre les paroles qu’il rapporte puisqu’il n’était pas sur l’estrade près de Jehanne. C’est cependant par lui que nous connaissons le nom du personnage qui prit la main de Jehanne pour la forcer à signer.

Manchon dit : « un Anglais ; » l’évêque de Noyon : « un secrétaire du Roi ; » seul Macy le désigne par son nom : Laurent Calot.

Il faut d’ailleurs expliquer comment Laurent Calot put