Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 1.djvu/641

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et dans vos dits, ce qui est réprouvé, voulez-vous le révoquer ?… — Je m’en rapporte à Dieu et à notre Saint-Père le Pape. — Cela ne suffit pas. On ne peut aller quérir le Pape si loin. Il faut que vous teniez ce que les clercs et gens en ce connaissant disent et ont déterminé de vos dits et faits.

« Et de ce, fut admonestée jusqu’à la tierce monition. »

Nous venons de voir l’énergie et la fermeté de Jehanne, non pas grandir, car elles sont restées toujours égales, mais se manifester de plus en plus à mesure que s’approche l’heure du sacrifice. La veille, elle n’avait pas interrompu Pierre Maurice dans sa prédication ; le 24, au contraire, elle ne craint pas d’apostropher vivement Erard. Ses voix lui disaient : « Réponds I » et Jehanne refuse hardiment de rétracter aucun de ses actes. La séance se terminait par un triomphe pour elle : loin de se rétracter, elle avait porté l’attaque au camp de ses adversaires. C’est alors que, voulant obtenir la signature à tout prix, l’évêque de Beauvais, par l’intermédiaire d’Erard, paraît vouloir tout céder et promet à Jehanne même la liberté, si elle consent à abandonner le costume viril. N’avait-elle pas dit le 24 mars : « Donnez-moi un habit de femme pour aller à la maison de ma mère, et je le prendrai. C’est pour être hors de prison, et, une fois hors de prison, je prendrai conseil sur ce que j’ai à faire. » Jehanne refuserait-elle sa signature à une cédule où on ne lui demanderait plus autre chose que ce qu’elle avait déjà accepté ? Mais elle se défie. Elle redoute un piège. Erard lui lit la cédule, Massieu lui en donne une seconde lecture ; elle refuse de s’en rapporter à eux ; c’est elle-même qui prend cette cédule et qui la lit, dépose Guillaume de la Chambre. Elle met ses conditions, nous dit le même témoin. Cependant, elle doute toujours de la bonne foi de ses ennemis ; ce n’est donc pas sa signature qu’elle appose, mais simplement une croix, qui, comme nous l’avons vu, était pour elle un signe de dénégation.

Un tumulte se produit alors ; Cauchon interrompt la lecture de son jugement, demande au cardinal de Winchester de recevoir Jehanne à pénitence, car il prétend qu’elle vient de se soumettre : et Jehanne, qui, par ses paroles, venait en public d’opposer à une triple monition un triple refus, est reconduite en prison sans qu’on ait osé affronter un nouvel interrogatoire où elle aurait confondu la fourberie de ses juges.

Après avoir rétabli, d’après les témoignages, cette scène telle