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rapprocher de la Sarre, craignant de fournir à l’Autriche un prétexte d’alléguer qu’en débouchant trop loin d’elle, nous la mettions dans l’impossibilité de nous rejoindre. Il regardait toujours vers cette soi-disant alliée, et, comme elle semblait flotter, n’accomplissant aucun acte, mais donnant de bonnes paroles, lui-même flottait, inclinant tantôt vers la Sarre, tantôt vers le Rhin, selon que lui arrivait de Vienne un souffle propice ou contraire.

Lorsque, le 21 juillet, Mac Mahon se rendant à l’armée passa par Paris, l’Empereur inclinait encore à l’action par Strasbourg. Dans une première audience, très calme, il parla plutôt de l’Algérie que de la guerre qui allait commencer. Le maréchal le quitta, étonné de la discrétion qu’il avait gardée sur ses plans. Il alla le revoir le lendemain. L’Empereur lui fit connaître son intention de franchir le Rhin au-dessous de Strasbourg. Il l’invita à examiner le point qui semblerait le plus convenable entre Strasbourg et Wissembourg. Du reste, il ne paraissait pas douter que, dès le début, l’armée française ne culbutât les Allemands. « Le maréchal, disait un de ses aides de camp au général Faverot de Kerbrech, est dans la joie. Il va avoir une armée composée en partie de troupes d’Afrique, avec des généraux comme Ducrot, Douay, etc. Dès qu’elle sera mobilisable, nous franchirons le Rhin ; nous séparons ainsi l’Allemagne du Sud de la Prusse et nous déroutons toutes les combinaisons de Moltke[1]. »

Quelques jours après, l’Empereur semble se décider au contraire à se rapprocher de la Sarre ; les dispositions qu’il prend le 23 juillet, aussitôt après l’arrivée de Mac Mahon à Strasbourg, dénotent qu’il a renoncé à pénétrer offensivement par le Rhin en Allemagne : Sans opérer une concentration résolue, il resserre Mac Mahon sur Failly, Failly sur Frossard, et il ordonne de ramener Douay de Belfort à Colmar et à Strasbourg.


III

De même que l’Empereur, dans nos négociations, avait passé alternativement d’une velléité de guerre à une volonté de

  1. Faverot de Kerbrech : Mes Souvenirs, p. 18. — Souvenirs inédits du maréchal Mac Mahon.