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pas comprendre. C’est une personne qui n’est pas susceptible, et d’ailleurs qui n’est pas compliquée ; c’est à peine une personne, mais plutôt un petit animal fait pour la jouissance, et qui se définit par l’instinct. Pourtant il y a toujours moyen pour une femme, qui est la femme, d’en expulser une autre de chez soi. Et nous savons que Thérèse est une passionnée et une inquiète. Comment se fait-il qu’elle se réduise à tout voir, tout prévoir, et larmoyer sans cesse ? Cette passivité nous paraît presque inintelligible.

Bien lent le mouvement de ces trois actes, dont il eût été si facile de réunir les deux premiers en un seul. Le drame commence au quatrième acte. |Tandis que son mari est au rendez-vous, que Mme Allain lui a donné à la Commanderie, Thérèse a enfin une révolte. Une sorte de double vue lui montre ce mari qu’elle aime dans les bras de sa rivale. Elle crie : « Je la chasse, je la chasse ! » Mais ces mots surpris par Augustin déterminent une explication entre sa mère et lui. Mme Fontanet découvre alors un autre aspect du désastre, une seconde catastrophe : avec la tournure exaltée et maladive de sa sensibilité, l’enfant s’est pris d’une passion ardente, sombre, jalouse. On peut tout craindre de son exaltation. C’est pourquoi elle s’efforce de rattraper les paroles dénonciatrices. Non, non, elle ne soupçonne pas Mme Allain, et elle ne souffre pas par elle, et elle ne reproche aucune trahison au père d’Augustin. Pour Dieu ! que l’enfant se rassure, et qu’il ne se crée pas de terreurs chimériques. Et qu’il continue de s’épanouir dans l’atmosphère enchantée que lui fait la présence d’une femme désirée… Telle est la situation. Le père et le fils aiment tous deux la même femme, chacun à sa manière : le père en libertin, le fils en enthousiaste avec l’innocence de sa prime jeunesse. Mais enfin les voilà rivaux. A quel point cette situation est déplaisante, j’ai à peine besoin de l’indiquer. Mais il y a quelqu’un pour qui elle doit être horrible, insupportable, atroce, c’est Mme Fontanet, deux fois désolée dans son cœur d’épouse et de mère. Une telle situation est insoluble : je veux dire qu’il n’y a qu’un moyen d’en sortir, c’est d’en sortir, en effet, en tranchant dans le vif, et en la supprimant. Mme Fontanet va au contraire la prolonger, et en la prolongeant la compliquer. Poussée par une impulsion où il m’est impossible de voir autre chose qu’un égarement de l’esprit et une déviation de la sensibilité, elle va s’attacher désespérément à cette idée unique : donner à la passion d’Augustin une apparence de satisfaction et tout au moins leurrer sa folle tendresse. Elle n’a pas l’air de se douter, et elle ne se doute pas en effet, qu’ainsi elle devient la complice des événemens et fait signe au malheur. Donc, elle avertit