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Il est trop tard aujourd’hui pour parler du discours prononcé par M. le ministre des Affaires étrangères dans la discussion de son budget. Ce discours était attendu en Europe avec une attention très éveillée ; nous avons dit nous-même, il y a quinze jours, que nous l’attendions avec confiance, et cette confiance n’a pas été trompée. Le discours de M. Pichon, sage, prudent, habile aussi, a produit partout une impression excellente ; nulle part on n’a trouvé à y faire de critiques sérieuses. Après l’entrevue de Potsdam, l’incertitude où on était sur ce qui s’y était dit, peut-être sur ce qui s’y était fait, avait fait naître quelque préoccupation dans, les esprits. Il faut bien avouer que la lecture des journaux allemands était de nature à entretenir ce sentiment. On a beau savoir que ces journaux dédaignent les nuances et sont peu propres à les fixer, on a beau avoir l’habitude de leurs exagérations qui finissent par déformer complètement la vérité, on a beau se défier de leurs affirmations arrogantes, il est difficile de n’en être pas un peu impressionné, et ce n’est pas en France qu’on l’a été le plus. Les choses ont été depuis remises au point, et les nuages sont aujourd’hui dissipés. Les susceptibilités les plus persistantes se sont produites à Constantinople. Une interpellation a eu lieu à la Chambre ottomane qui s’était assez naturellement émue de ce qu’on connaissait des projets élaborés à Potsdam ; ces projets disposaient, en effet, de certaines provinces turques comme de zones affectées, sans aucune entente avec la Porte, à l’influence de telle ou de telle puissance. On assure que les explications du gouvernement allemand ont rassuré la Jeune-Turquie. En ce qui nous concerne, M. Pichon a tracé le tableau de notre politique et la loyauté en est apparue à tous les yeux : on y a rendu pleine justice. Nous croyons d’ailleurs volontiers que toutes les puissances veulent la paix et qu’aucune n’a de desseins qui pourraient la mettre en cause. Néanmoins, M. Pichon, à la fin de son discours, a eu raison de dire que la situation générale comportait une politique à la fois active et vigilante : il serait, en effet, dangereux de s’en laisser distraire un seul instant.


FRANCIS CHARMES.

Le Directeur-Gérant, FRANCIS CHARMES.