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l’effet eût été instantané et la plume que Beust et Visconti tenaient en l’air se serait abaissée sur le projet de traité et l’aurait signé.


IX

Le 4 août parvenait au quartier général une dépêche de Bouille, notre attaché militaire à Vienne, disant : « Le colonel Welserheim, arrivant de Berlin, me dit que les Prussiens, dans la Bavière rhénane, n’ont pas encore complété munitions et transports, que la circonstance est exceptionnellement favorable pour les attaquer, que l’occasion est unique et ne se retrouvera pas plus tard. » (2 août.) Aucun avis ne tomba plus à propos. C’était, en quelque sorte, une nouvelle indication et celle-là suprême, de la seule conduite qui pût nous mener au salut. En effet, à ce moment, nous pouvions encore gagner les débouchés de la zone boisée avant que le gros de l’armée de Frédéric-Charles l’eût franchie, et écraser ses fractions avancées avec des forces supérieures.

L’Empereur qui ne disait jamais non, quand on le pressait, parut goûter ce projet ; Lebrun et Jarras furent chargés d’en préparer l’exécution. Mais Lebrun émit le déplorable avis qu’il serait utile auparavant de consulter les chefs de l’armée. C’était encore un retard : l’Empereur l’accueillit avec empressement. « En tenant des conseils, on finit par prendre le plus mauvais parti qui, presque toujours à la guerre, est le plus pusillanime[1]. » On en vit une nouvelle preuve. Soleille et Coffinières approuvèrent le projet de passer la Sarre, qu’ils avaient blâmé le 31 juillet. Mais l’intendant général Wolff déclara qu’il n’avait pas de quoi accompagner l’armée par ses vivres et que ses renseignemens lui présentaient le Palatinat comme étant hors d’état de nourrir des troupes. En quoi eût-il été plus compliqué de pousser les convois envoyés de Paris jusqu’à Neunkirchen et Hombourg, au lieu de les arrêter à Metz ? A la vérité, nous n’aurions pas même eu à attendre nos approvisionnemens ; dans le pays riche, abondamment pourvu, où les troupes pouvaient être facilement cantonnées, nous n’aurions eu qu’à puiser à pleines mains par des réquisitions. On a

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