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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




À lire les journaux de l’Europe entière, à entendre les conversations qui se tiennent un peu partout, on est porté à croire qu’il y a quelque chose de nouveau dans la situation générale et que ce quelque chose est de nature à inspirer des préoccupations. Mais si on ouvre l’oreille aux déclarations officielles faites par les ministres les mieux à même de savoir exactement ce qui se passe, on est aussitôt rassuré : la situation reste la même, elle repose toujours sur les mêmes hases, qui sont plus fermes que jamais. Placée entre ces indications contraires, l’opinion ne sait trop qu’en penser. Elle se demande, à force d’avoir entendu dire le contraire, si la Triple Entente présente la même solidité qu’autrefois et si, dans le cas où certains événemens surviendraient, on pourrait compter sur sa pleine efficacité. Mis nettement en présence de cette question dans une séance du Sénat, M. le ministre des Affaires étrangères y a répondu dans les termes les plus explicites. « Au nom du gouvernement, a-t-il dit, je déclare que, jamais, la situation diplomatique de la France n’a été plus assurée qu’aujourd’hui. » M. Pichon s’est toujours montré prudent dans son langage comme dans sa conduite : aurait-il parlé comme il l’a fait s’il n’avait pas très sincèrement éprouvé la confiance qu’il voulait inspirer ?

Si on recherche où est l’origine du trouble moral dont nous venons de parler, on la trouve dans l’entrevue de Potsdam et beaucoup moins dans l’entrevue elle-même que dans la manière dont elle a été présentée, commentée, exploitée en Allemagne. Nous laissons de côté le gouvernement impérial lui-même, quoique, s’il n’a rien fait pour provoquer l’équivoque, il n’ait rien fait non plus pour la dissiper. Mais les journaux ont mis une telle arrogance à chanter victoire ; ils ont si pesamment affirmé que la Russie, entrée dans des voies nouvelles,