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tirées de l’existence d’enfans d’un premier lit ou empruntées à l’ordre religieux. Il est trop évident par exemple que, l’Eglise n’acceptant pas le divorce, Gabrielle Darras ne saurait avoir une vie religieuse complète ; mais, d’autre part, si son premier mari était mort et qu’elle se fût tout simplement remariée, les douloureuses difficultés qu’elle éprouve à cause du conflit survenu entre son second mari et son fils auraient pu être identiques. Supposez-la sans enfant de son premier mariage et aussi libre penseuse que son second mari : on ne voit pas bien, semble-t-il, les inconvéniens que le divorce aurait entraînés pour elle, et on en voit au contraire fort bien tous les avantages. — Eh bien ! même dans ce cas du divorce pur, en quelque sorte, les inconvéniens existent, et ces inconvéniens, très différent de ceux du remariage, indépendans de toute préoccupation confessionnelle, résultent uniquement du principe d’instabilité introduit dans l’union conjugale. Le divorce, c’est la porte ouverte à l’union libre, et il n’est pas besoin d’être catholique pour le répudier ; on pourrait même dire que, moins on est religieux, plus vivement on doit le repousser, pour peu du moins qu’on ait gardé quelque souci d’hygiène sociale. Ceux qui, sous prétexte d’ « affranchir » la femme et de réaliser un progrès social, ont introduit le divorce dans nos mœurs, et dans nos codes, ne se sont jamais doutés à quel point ils asservissaient aux multiples fantaisies de l’homme la faiblesse féminine, et quelle « régression » ils opéraient vers l’animalité primitive. Je me demande si un roman construit sur ces données n’aurait pas été « plus fort » que celui qu’a écrit M. Bourget. Mais peut-être eût-il été, sinon moins émouvant, en tout cas moins varié. Et puis, le romancier pourrait toujours répondre qu’il a voulu étudier non pas le divorce « en soi, » mais un divorce particulier. Et enfin, le roman, tel que nous l’avons, est une très belle œuvre, dramatique, élevée, vivante et suggestive : et cela répond péremptoirement à toutes nos chicanes de pédans.

Insisterons-nous maintenant sur les dernières œuvres romanesques de M. Bourget, les Deux sœurs, les Détours du cœur, l’Émigré, la Dame qui a perdu son peintre ?… Si elles manifestent la variété, la souplesse et la fécondité de son talent, il ne semble pas qu’elles ajoutent quelque nuance vraiment nouvelle à la définition que l’on peut tenter de ce talent. Et mieux vaut sans doute l’étudier, ce talent si curieux, si chercheur, si