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âge, les seconds comme les Valois contre l’anarchie du XVe et du XVIe siècle, les troisièmes ont créé comme les Bourbons la monarchie absolue ; au XVIIe siècle, ce fut sous un shogun tout-puissant ; au XVIIIe siècle, le shogun se désintéressant des affaires, ce fut sous une bureaucratie routinière et soupçonneuse recrutée dans la caste militaire. Cependant les shoguns Tokugawa ne réussirent à établir complètement la centralisation que dans leur propre fief, c’est-à-dire dans les deux cinquièmes de l’archipel ; les trois autres cinquièmes étaient partagés entre deux cents principautés féodales, très étroitement dépendantes, il est vrai, du shogun et de ses ministres, qui en destituaient ou en déplaçaient les princes pour la moindre offense. Quatre seulement, Choshu, Satsuma, Hizen et Tosa, conservèrent une indépendance relative, qui leur permit de jouer un rôle décisif à l’époque de la Révolution ; c’était à cause de leur situation géographique : Choshu se trouvait à l’extrémité de la grande île, Satsuma, Hizen et Tosa dans d’autres îles de l’archipel. Dans leur œuvre de centralisation, les Tokugawa, établis à Yedo (aujourd’hui Tokio), n’avaient pas seulement à lutter contre le fédéralisme, ils avaient à lutter contre le dualisme ; depuis sept siècles qu’ils régnaient, les shoguns n’avaient pas osé enlever son titre au mikado retiré dans le palais de Kioto ; ils n’avaient pas même osé supprimer son ancien gouvernement ; on voyait encore, maintenues par la pratique de l’adoption, toutes les maisons des nobles de cour qui avaient gouverné Je Japon avant l’établissement de la féodalité ; les nobles continuaient d’exercer leurs anciennes charges de régent, de maire du palais, de ministres, de directeurs, de préfets, de généraux. Sans doute de ces charges il ne restait plus que le nom et le costume ; il n’en existait pas moins à Kioto un gouvernement constitué, prêt à prendre le pouvoir dès que le gouvernement de la caste militaire aurait trahi sa faiblesse.

La société comprenait une hiérarchie de classes ou même de castes. Au-dessous de la noblesse de cour et de la noblesse féodale on trouvait les membres de la caste militaire ou samuraïs ; les moines bouddhistes, très influens, très riches, dépositaires des registres de l’état civil, divisés en grands ordres, habitant des monastères dirigés par des abbés, lesquels abbés dépendaient d’évêques et d’archevêques ; puis les médecins ; les agriculteurs ; les artisans ; les commerçans ; enfin les castes