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troubles, dont l’action, néfaste dans le passé, menace de l’être encore plus dans l’avenir. La dernière grève, qui a été comme l’esquisse et un premier essai de grève générale, a été suivie d’un certain nombre de révocations que tout le monde a approuvées au premier moment et qu’on a déclarées alors définitives. On sait malheureusement ce que veut dire définitif en pareille matière. Dès le lendemain de la grève, une campagne ardente a été entamée pour amener l’État et les Compagnies à réintégrer les révoqués. L’État a capitulé tout de suite, et c’est en cela sans doute qu’il a prétendu fournir un modèle aux Compagnies : mais celles-ci ont résisté, elles ont refusé de se conformer au modèle. A la vérité, elles n’ont pas maintenu toutes les révocations ; pendant la lutte, l’obligation de frapper vile ne permet pas toujours de frapper tout à fait juste : les situations particulières devaient être révisées et l’ont été avec bienveillance ; beaucoup de révocations ont été rapportées ; un certain nombre d’autres ont été maintenues. C’est contre cela que les radicaux-socialistes et surtout les socialistes protestent. Ils somment le gouvernement d’imposer aux Compagnies la réintégration complète des grévistes révoqués. Il faut espérer, et nous l’espérons, que, fortes de leur droit et surtout conscientes de leur devoir, les Compagnies ne céderont pas comme l’a fait le gouvernement. Entre elles et lui on voit tout de suite la différence : c’est dans cette différence qu’il faut chercher celle des deux administrations. Dans les Compagnies, le principe d’autorité subsiste encore ; il est ébranlé sans doute car on n’échappe jamais absolument aux influences ambiantes, surtout lorsqu’elles viennent de haut ; néanmoins il n’est pas supprimé, il continue de se faire sentir. S’il se fait encore sentir dans le réseau de l’État, c’est avec une faiblesse croissante : de là ce relâchement de la discipline que nous y avons constaté. Ce que nous disons, tout le monde le dit, tout le monde le sait ; mais l’État est impuissant à y remédier. Nous l’avons vu changer des personnes et même modifier des organisations vicieuses : ce ne sont là que des palliatifs, s’il ne se réforme pas lui-même tout le premier. Le peut-il ? Non, ou du moins il lui faudra longtemps pour le faire. Alors, qu’il ne se charge pas d’une tâche qu’il n’est pas en mesure de bien remplir !

Une nouvelle défaillance, plus grave que les précédentes, l’a montré encore plus désarmé devant les sommations révolutionnaires : nous voulons parler de la mise en liberté de Durand. Durand est cet ouvrier qui a été condamné à mort par la Cour d’assises de la Seine-Inférieure pour avoir provoqué l’assassinat du malheureux