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d’aucune autorité sur les enfans, usent de dons, de promesses, de menaces, de violences ou de voies de fait sur ceux qui sont inscrits à l’école publique, ou sur leurs parens ou tuteurs, pour empêcher les jeunes élèves de prendre part aux exercices réglementaires de l’école ou de se servir des livres dont l’usage est régulièrement autorisé. Qui ne voit qu’il s’agit là d’une réponse à la lettre des évêques sur certains livres scolaires ? On veut empêcher, soit l’évêque lui-même, soit le curé, soit même le premier venu de détourner les enfans de certains livres ou de les leur interdire. Tout cela entraînera beaucoup de complications dans la pratique, des tracasseries, des taquineries. Reconnaissons toutefois qu’il vaut mieux pour un délinquant, ou un prétendu délinquant, être traduit devant une commission cantonale, qui ne peut prononcer que des peines de simple police, que devant les tribunaux. La proposition Bouffandeau, si elle est votée, ne sera peut-être qu’un instrument de petites vexations : on pourrait avoir pis.

Mais M. Bouffandeau, — et cela est inadmissible, — veut que sa proposition soit incorporée, on ne devinerait jamais où : dans la loi de finance. C’est à cela que nous songions plus haut lorsque nous disions qu’on veut encombrer le budget de toutes sortes d’objets qui lui sont étrangers. Faire figurer la proposition Bouffandeau dans la loi de finance est, qu’on nous passe le mot, une des drôleries de nos mœurs parlementaires. Elle correspond à l’idée particulière que beaucoup de députés se font du budget : ils le considèrent comme un puissant remorqueur auquel ils attachent toutes sortes de choses qu’ils désespèrent de conduire autrement au port. Tôt ou tard il faut bien que le budget soit voté : est voté avec lui tout ce qu’on a eu l’habileté d’y enfourner et le tour est joué, le pays jouit d’une loi de plus. Un premier inconvénient est que cette loi n’a pas été suffisamment étudiée et qu’elle sent l’improvisation, mais on ne s’en aperçoit que par la suite. Un second est que, si la discussion de la loi est écourtée, celle du budget est allongée : ce n’est vraiment pas aujourd’hui qu’il convient de s’y exposer. Si la Chambre a quelques propositions Bouffandeau à introduire dans la loi de finance, il faudra décidément renoncer à ce que le budget soit voté à Pâques, et ce sera la première fois qu’un pareil retard se sera produit. On a beaucoup médit autrefois du défaut de méthode de nos assemblées parlementaires : il était réservé à la Chambre actuelle de surenchérir encore dans le même ordre d’idées, ou plutôt dans le même désordre.


Nous avons parlé, il y a quinze jours, avec quelque détail des