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Les lois de 1873 ne pouvaient être appliquées sans le concours des évêques, celle de 1874 sans le concours des chapitres : elles demeuraient lettre morte. Et là-bas à Rome une voix retentissait, qui les condamnait, les stérilisait, leur signifiait qu’elles étaient néant et resteraient néant. Deux ans durant, la législature prussienne avait travaillé, sans que rien de stable fût construit, sans qu’un effet durable fût acquis ; les pénalités innombrables qui partout châtiaient les infractions aux lois ne déterminaient aucun prêtre à s’y soumettre, aucun évêque à les appliquer. Le Pape redisait : Ces lois ne sont rien ; il traitait ces caprices d’une Chambre comme certains de ses prédécesseurs du moyen âge avaient traité les caprices des rois. Un seul mot du Pape consacrait ainsi la défaite effective de l’Etat.


I

Mais aux regards d’un Bismarck, Dieu pouvait-il permettre que l’État fût vaincu ? Encore plus avant, et toujours plus loin, il pousserait la lutte, au nom même de Dieu. Le chef de l’Église était gênant : Bismarck, pour faire taire les défenseurs du Pape et pour faire taire le Pape lui-même, recourut à l’Europe.

Un an plus tôt, Decazes, tenant en échec les machinations fiévreuses du chancelier, avait su faire comprendre que la France, même vaincue, ne se laisserait pas embrigader pour le Culturkampf international : la Belgique, en 1875, profita de la leçon. En vain le comte Munster, ambassadeur d’Allemagne à Londres, avait-il prié les ministres anglais successifs d’agir sur le gouvernement de Bruxelles pour qu’un terme fût mis aux agitations cléricales ; ces ministres s’y étaient refusés. L’Allemagne, alors, avait interpellé directement le Cabinet belge sur certains actes des évêques et des laïques catholiques et sur la lettre étrange par laquelle un chaudronnier, nommé Duchesne, avait mis son bras à la disposition de l’archevêque de Paris, pour tuer Bismarck, et copie de la dépêche avait été transmise par l’Allemagne aux chancelleries de l’Europe. Sans s’émouvoir, la Belgique, à la date du 26 février 1875, répondait par un long message d’explications, dont l’Europe aussi recevait connaissance. Ainsi l’Europe entrait en tiers dans le colloque entre le chancelier de l’Empire et le Cabinet de Bruxelles ; elle le voyait reprendre avec la Belgique le ton qu’un an plus tôt il