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ne tende pas uniquement à ériger eu suprématie universelle ce pouvoir issu de l’élection du clergé italien, mais qui soit disposé a laisser d’autres gens aussi vivre à leur guise, et avec lequel on puisse conclure la paix. C’est là ce que j’espère, — et alors, j’espère aussi trouver encore un Antonelli assez sage pour chercher à faire la paix avec le pouvoir séculier. »

Ainsi succédaient à deux discours insulteurs, tenus à quarante-huit heures de distance, des efforts de coquetterie à l’égard du Pape insulté. Windthorst ne voulait pas être dupe : il réinsistait sur les discours, il s’étonnait que le premier conseiller de la couronne, dans un pays mixte, pût impunément calomnier la foi d’une partie du peuple, la foi de quelques-uns des princes allemands. Est-ce un moyen, demandait-il, de fonder l’unité allemande ? Quant aux phrases pacifiques, à peine voulait-il les enregistrer, observant tout simplement qu’il y avait un moyen de faire la paix : négocier avec Rome. Le comte Landsberg, devant la Chambre des Seigneurs, relevait, lui aussi, le contraste étrange entre ces fanfares de guerre et ces premières sonneries de retraite : il constatait que Bismarck, par la suppression des trois articles constitutionnels, faisait place nette pour poser les assises d’un Etat policier gouverné bureaucratiquement ; et Landsberg s’épouvantait de ces architectures nouvelles. Rayer des paragraphes de la Constitution pour faciliter l’élaboration de certaines lois, cela lui faisait l’effet de couper une tête pour guérir le mal de dents. Il semblait à Landsberg qu’après ce sacrifice, Bismarck en réclamerait d’autres, que toutes les autonomies seraient tour à tour menacées.

Dans les deux Chambres, l’œuvre constitutionnelle de Frédéric-Guillaume IV reçut le soufflet que Bismarck exigeait. Trois vides s’y creusèrent, attestant la disparition des articles qui, pendant près d’un quart de siècle, avaient protégé la liberté et la dignité des Eglises. Une vieille haine de Bismarck était enfin satisfaite. Ces articles, il ne les avait jamais aimés : dès 1854, il les avait jugés dangereux pour l’Etat prussien ; il n’avait pas pardonné au Centre d’avoir voulu, en 1871, les inscrire, tels quels, dans la Constitution du nouvel Empire. La Prusse elle-même, enfin, les rejetait. Un jour la paix religieuse se rétablira ; Bismarck défera de ses propres mains, morceau par morceau, toutes les lois du Culturkampf ; mais la Constitution prussienne, malgré les efforts du Centre, restera toujours béante