Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/321

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Église, dès lors, pouvait tolérer cette collaboration. Confiant dans les dispositions et dans la loyauté des paroissiens, il priait les curés d’inviter leurs fidèles à élire de bons catholiques et à ne pas s’abstenir ; cette invitation devait leur être adressée, non du haut de la chaire, mais à titre privé ; et les curés eux-mêmes étaient priés par Melchers de prendre siège au conseil d’Eglise, une fois constitué. Les lettres que Melchers et les autres prélats firent parvenir aux présidens des provinces marquaient exactement leur attitude à l’endroit de la loi : ils ne reconnaissaient pas expressément, ils toléraient.

Le Vatican reçut des plaintes : on écrivit d’Allemagne à Antonelli que cette tolérance risquait de troubler et de diviser les catholiques. « Je savais déjà, répondit Melchers au cardinal, qu’il y avait en Prusse, parmi les catholiques, une petite faction d’hommes, qui servent l’Eglise avec grande foi et bonne volonté, mais dont la prudence est moindre : ils veulent généralement être plus catholiques que les évêques, voire que le Saint-Siège, ou du moins savoir mieux qu’eux ce qu’il faut à l’Eglise. » Et Melchers faisait remarquer que les ennemis de l’Eglise étaient au contraire déçus par l’attitude de l’épiscopat, et que l’espoir qu’ils avaient eu de voir tomber entre leurs mains tous les biens ecclésiastiques était désormais brisé. La petite faction voulait pousser Rome à des résolutions irréparables ; elle aurait aimé qu’en dernière heure l’épiscopat fût désavoué par Pie IX ; elle aurait ainsi, gratuitement, naïvement, procuré à Bismarck deux bonnes fortunes, d’abord la conquête des biens d’Eglise, et puis une excellente occasion de répéter que les évêques désavoués n’étaient plus que des préfets. Mais le silence du Saint-Siège attesta que Melchers avait raison de tolérer la loi pour éviter des « maux plus graves ; » Melchers songeait aux maux extérieurs : à l’Eglise appauvrie, aux évêques calomniés ; il songeait peut-être aussi au mal intérieur qui pour de longues années aurait miné l’Église d’Allemagne, si l’on eût assisté au triomphe de la petite faction sur la hiérarchie épiscopale.

Le peuple, bientôt, justifia les évêques. En dépit de mesures telles que Falk en prit à Wiesbaden, et par lesquelles il permettait aux vieux-catholiques de voter dans les élections paroissiales, le conseil d’Église et la représentation de la paroisse furent, presque partout, composés de catholiques exacts et