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respectueux de la hiérarchie. L’Etat prussien avait voulu mobiliser contre la hiérarchie une force démocratique ; mais la hardiesse zélée d’un grand nombre de curés sut transformer ces mobilisations en des sortes de revues d’appel : les fidèles s’y resserraient, s’y groupaient, acquéraient conscience de l’intérêt qu’ils devaient prendre à la vie de leur Eglise. C’était l’espoir de l’Etat qu’ils deviendraient des insurgés ; mais l’Eglise les connaissait, elle les avait assez bien instruits pour être sûre d’eux ; tolérant qu’ils prissent place dans les cadres mêmes que l’Etat leur ménageait, elle allait travailler à ce qu’ils devinssent des militans, et souvent elle y réussirait.

Ce n’était pas la seule déception que réservassent à la Prusse les lois bismarckiennes de 1875. L’autre organisation qu’elles paraissaient faciliter, celle d’une Eglise vieille-catholique en face de l’Eglise romaine, échouait à son tour, piteusement. Il apparut, à l’épreuve, que la loi qui permettait aux vieux-catholiques la conquête des richesses d’Eglise n’était susceptible que d’une application très restreinte : la conquête, presque partout, dut être ajournée, faute de conquérans. On cherchait des vieux-catholiques ; on leur ouvrait d’avance les portes des sanctuaires ; presque nulle part on n’en trouvait. Après discussion, les évêques et Rome avaient été d’avis que dans les édifices où l’Etat prétendrait installer le culte vieux-catholique, le culte catholique romain devrait cesser. L’Eglise romaine aimait mieux émigrer de ses temples que de les partager avec ceux qui l’avaient quittée ; mais rares furent les localités où s’imposa ce douloureux exode. Les promesses mêmes de libéralités pécuniaires ne pouvaient insuffler une vie au vieux-catholicisme. L’argent ne suffit point aux Eglises, il leur faut des âmes, et, définitivement, le vieux-catholicisme en manquait.

Des deux groupemens hostiles à l’ultramontanisme, sur lesquels en 1873 la Prusse avait espéré s’appuyer, l’un, le groupe des vieux-catholiques, n’avait même pas assez de vigueur pour profiter des lois, et l’autre, le groupe des catholiques d’Etat, se décourageait, se décimait, et commençait de faire résipiscence à l’endroit de l’Église. Vainement le comte de Frankenberg avait-il voulu, en février 1875, susciter une protestation contre l’encyclique papale ; en deux mois, on n’avait même pas recueilli deux mille signatures. « Ils finiront par tomber dans nos rangs, comme des pommes mûres, » disait au sujet des