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s’émouvaient : la bonne du directeur survenait, se fâchait, allait parler à sa maîtresse, laquelle envoyait en ville chercher son mari, et Kerpen, finalement, était enfermé dans une cellule plus séante. Un gendarme se présentait le lendemain pour l’emmener, une fois encore, hors du district. En route, mangeant tous deux dans un hôtel, ils rencontraient un voyageur qui payait au prêtre son dîner. D’étape en étape, il fallait mobiliser des médecins pour constater que Kerpen, fatigué, avait le droit d’aller en voiture, et réveiller un bourgmestre, avant l’aurore, pour faire reconnaître ce droit. « Ce coquin m’ennuie, disait le bourgmestre. — Plaignez-vous à M. Falk, » ripostait Kerpen.

Le vicaire Schmitz, d’Andernach, était un véritable Protée. Les gendarmes étaient toujours à ses trousses, et presque toujours fourvoyés. Un jour, ils voulurent arrêter, à sa place, un autre prêtre du nom de Schmitz, qui circulait, sur le quai d’une gare. Mais le garçon boucher que tranquillement ils laissaient passer était le Schmitz authentique qu’ils cherchaient. Ses apparitions clandestines dans la région d’Andernach ne se comptaient pas. Il avait des abris tant qu’il en voulait : quand il devait dire la messe, les fidèles se le chuchotaient entre eux, et tous s’enfermaient dans l’église, avec ce garçon boucher qui soudainement revêtait la chasuble. L’instituteur et même le sacristain, dont on redoutait les connivences avec la police, apprenaient trop tard que la messe avait été dite avant l’aurore et que Schmitz était déjà parti. « Arrêtez-le, » télégraphiait à la gendarmerie un bourgmestre zélé, et la dépêche décrivait son accoutrement pour qu’il cessât enfin d’échapper à la vindicte des lois. Les cavaliers de l’Etat battaient les grandes routes, cherchant l’habit pour trouver l’homme, mais l’homme avait déjà changé d’habit. Une fois, sans se gêner, il était en train de donner la communion, lorsque, sabre au clair, un gendarme entra dans l’église et voulut arrêter Schmitz, séance tenante avec le ciboire en mains ; l’autre chapelain, qui était en train de confesser, s’interposa ; à la fin de la messe, Schmitz dut gagner la prison de Coblentz, que déjà deux séjours lui avaient rendue familière.

Un jeune vicaire qui n’avait plus le droit de demeurer dans le district de Trêves y rentrait, déguisé, et s’annonçait à In police même de cette ville comme voyageur en vins ; le dimanche suivant on apprenait qu’il s’était montré dans son ancienne