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n’est qu’un calcul qui se devine dans cette phrase : « De cette manière, nous croyons que cinq vaudront dix. »

Il est donc bien évident que, sous tant d’actes abominables qu’on cherche à justifier par des raisons purement politiques et par la nécessité de rendre victorieuse l’action révolutionnaire, se cachent des raisons financières aussi bien de la part de l’Etat représenté par le Comité de Salut public et le Comité de Sûreté générale que de la part de leurs agens qui, pour la plupart, ne se font pas scrupule de retenir peu ou prou sur les fonds qu’ils ont saisis et qu’ils sont chargés de leur transmettre. Telle est, brièvement résumée, la genèse des mesures iniques édictées contre les Magon et leurs alliés, lorsque les terroristes furent devenus les maîtres du pouvoir.


II

Quoique dans les nombreux documens relatifs à cette affaire, il n’ait rien été découvert qui permette de préciser le moment où le Comité de Sûreté générale décida de poursuivre les divers membres de la famille Magon, afin de s’emparer de leur fortune, ni quelles circonstances lui en suggérèrent la pensée, on est autorisé à supposer que ce fut au mois de mars 1793 qu’il en entrevit l’éventualité, à la suite d’un événement qui eut pour effet d’attirer plus particulièrement l’attention publique sur Magon de la Balue.

Déjà, au début de l’année précédente, la puissance de son crédit s’était affirmée avec éclat et traduite par un signalé service rendu à la fortune publique. Le receveur général Le Normand, débiteur de plus de cinq millions, avait dû suspendre ses paiemens. Une faillite semblait inévitable, elle menaçait d’en provoquer d’autres et un désastre financier était à redouter. Magon de la Balue était alors intervenu. Sur son initiative et sous sa direction, s’était formée une association de banquiers qui avait conclu un arrangement avec les créanciers de Le Normand et, en se chargeant de la liquidation de ses affaires, avait conjuré la catastrophe. Le rôle joué par le banquier en cette circonstance ne méritait que des éloges. Mais il avait eu le grave inconvénient de faire du bruit autour de son nom et de rappeler qu’il était riche, en un moment où la prudence lui commandait de le faire oublier.