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cherchait surtout à s’emparer de la fortune des riches. Aucun d’eux ne pouvait se faire illusion à cet égard. Aussi, ceux qui n’avaient pas émigré s’étaient-ils pour la plupart réfugiés dans leurs terres, espérant échapper à cette terreur sur laquelle était venue se greffer une misère épouvantable. Les navires mouillés dans le port, corsaires et autres, restaient désarmés, soit par suite de la difficulté de recruter des équipages, soit que les armateurs craignissent de les livrer à la flotte anglaise qui louvoyait sur les côtes bretonnes. Les grains n’arrivaient plus que par de petites barques qui allaient d’un port à l’autre, à travers les plus grands dangers.

En raison de ces circonstances, la ville de Saint-Malo, comme Saint-Servan et tout le pays environnant, était, dès le mois de juin, au pouvoir des terroristes, personnel prêt à tout et capable de tous les crimes. Dociles jusqu’à la plus abjecte servilité aux ordres que leur envoyait de Paris le Comité de Sûreté générale, ils avaient à leur service pour les exécuter des agens, âpres à la curée, qu’ils incitaient à découvrir des suspects, en provoquant des dénonciations par l’effroi qu’ils inspiraient. Les Magon et leurs alliés allaient être leurs principales victimes. Ils figurent sur les listes dressées au commencement de septembre ou même plus tôt, et ils y tiennent la plus grande place. Le 23 de ce mois, sur les ordres venus de Paris, on a arrêté Mme Magon de Coëtizac, un de ses fils qui vivait avec elle, son beau-frère et sa belle-sœur les Magon de la Villehuchet, leur fils aîné âgé de trente-quatre ans, leur neveu François-Marie Gardin, leur cousine Marie Colin, veuve de Magon de l’Epinay. En même temps qu’on les incarcère dans la maison d’arrêt de Saint-Malo, où, par suite de l’encombrement, ils sont livrés aux plus cruelles avanies dans des locaux insuffisans, privés d’air et de lumière, on opère chez eux des perquisitions ; les scellés sont apposés, et, quand on les lèvera, ce sera afin de saisir les fonds qui s’y trouvent en numéraire ou en assignats, l’argenterie, les bijoux et les titres de propriétés.

Pour justifier ces arrestations, tous les prétextes sont bons. Chez Mme de Coëtizac, on a découvert des insignes contre-révolutionnaires. Contre Magon de la Villehuchet, on invoque une aventure tragique, vieille de plus de quatre ans, puisqu’elle date du 6 mai 1789, dans laquelle il a figuré. Dans la soirée de ce jour, une bande de gens avinés s’étant présentée à son château