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venons de rappeler, la marquise de Saint-Pern était chez elle avec ses enfans quand s’y présenta une bande d’homme armés, conduite par trois délégués du Comité de surveillance révolutionnaire de la section de la Montagne. Parmi ces délégués se trouvait le citoyen Chrétien dont nous avons déjà parlé, qui siégeait en qualité de juré au Tribunal révolutionnaire et qui ne craignait pas de procéder à l’arrestation des suspects sur le sort desquels il devait ensuite prononcer. Il commandait à la bande et mit sous les yeux de la marquise de Saint-Pern un ordre d’arrestation signé de sept membres du Comité de Sûreté générale. L’ordre désignait « les nommés Saint-Pern, son fils, Cornulier et sa femme. » Tel qu’il était conçu, il témoignait de la confusion et du désordre qui présidaient à l’exécution des mesures arbitraires que décidait chaque jour le Comité de Sûreté générale. Des « nommés Saint-Pern, » un seul était à Paris : la marquise. Le mari avait été arrêté à Saint-Malo le 20 nivôse et il y était détenu. Toutefois l’erreur commise à son sujet n’attestait que l’ignorance du Comité. Mais, ce qui était véritablement monstrueux, c’est qu’on eût compris dans cet ordre d’arrestation un enfant contre lequel n’existait et ne pouvait exister aucune charge propre à justifier la mesure dont il était l’objet et qui lui fut fatale.

Dans une note rédigée par le Comité de surveillance peu de jours après l’arrestation et où il est désigné comme « âgé de seize ans et célibataire, » on dit « qu’il est doux, borné, n’ayant montré aucune opinion, n’étant revenu chez sa mère de la pension où il était que depuis quinze jours. » On ajoute qu’il vit chez sa mère, ne fréquentant qu’elle, son beau-frère et sa sœur. Tout serait vrai dans cette notice s’il n’y était représenté comme borné. J’ai eu sous les yeux son portrait. C’est celui d’un enfant intelligent ; sa figure est charmante, son regard clair et éveillé ; son élégance naturelle relevée par celle de sa toilette suffirait à démontrer sa vivacité d’esprit, si elle n’était prouvée mieux encore, par son attitude durant le débat sommaire que couronna sa condamnation. S’il parut borné aux délégués du Comité révolutionnaire, c’est que, sans doute, il fut épouvanté par l’invasion de ces hommes à mine sinistre et farouche dont la brutalité se traduisit par les propos qu’ils tinrent et par les menaces qu’ils proférèrent. Mme de Saint-Pern et sa fille la marquise de Cornulier étaient des femmes