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VIRGILE ET VICTOR HUGO

« Virgile et Victor Hugo : » en lisant ce titre à la première page d’une thèse de doctorat présentée à la Faculté des Lettres de Paris, on se demande tout d’abord ce qu’auraient pensé les anciens professeurs de Sorbonne, les Naudet, les Patin, les J.-V. Le Clerc, si quelque candidat avait osé leur soumettre un tel sujet. Ils auraient été très indignés, je crois, et encore plus étonnés. Entre le poète exquis et si sobrement élégant qu’ils étaient habitués à vénérer comme le maître de la perfection classique, et le fougueux romantique qui était venu faire une révolution dans les règles de la langue, de la versification et de l’art, quel rapport pouvait bien exister ? La seule idée de les rapprocher l’un de l’autre était une impertinence scandaleuse, à moins que ce ne fût une folie. Tel aurait été sans doute aussi l’avis de Désiré Nisard, de Nisard dont on ne peut dire si les sévérités envers les « poètes latins de la décadence, » les Lucain et les Juvénal, viennent de ce que ces auteurs ne ressemblent pas assez à Virgile ou de ce qu’ils ressemblent trop à Victor Hugo. Sainte-Beuve lui-même, malgré sa largeur de goût et sa souplesse d’intelligence, n’aurait guère moins été déconcerté : car il est bien vrai qu’il a admiré, avec un égal enthousiasme, l’auteur des Voix intérieures et celui de l’Enéide, mais il les a admirés successivement et exclusivement ; lorsqu’il était l’enfant de chœur du Cénacle, il faisait bon marché de la gloire virgilienne, et plus tard au contraire, lors du cours au Collège de France et de l’Étude sur Virgile, ce romantique repenti a