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imitera magnifiquement cette explosion de désespoir paternel : « Des fleurs ! oh ! si j’avais des fleurs !… » Mais, en 1834, ne peut-il pas trouver quelque chose de funèbre dans le souvenir de son premier amour désormais éteint. « Mon avril se meurt feuille à feuille, » écrira-t-il quelques mois plus tard ; et en effet, si enivrante, si triomphale que soit la passion nouvelle, si féconde qu’elle puisse devenir, elle a tué une partie de son existence qui ne revivra plus. Il est donc fatal qu’en présence de son foyer abandonné, un peu de regret se mêle à la reconnaissance : les lis conviennent doublement, symboles de pureté et symboles de deuil.

En 1837, il laisse voir d’une façon plus explicite ce que Virgile est devenu pour lui : l’interprète et le confident de son amour. C’est à Juliette qu’est en réalité consacrée la pièce célèbre des Voix intérieures adressée nominalement à Virgile. Le poète français invite son maître à l’accompagner dans une promenade sentimentale, avec l’arrière-pensée de trouver en lui un témoin discret et résigné : « Nous irons tous les trois, c’est-à-dire tous deux… » Dans cette très gracieuse idylle, comme dans le joli madrigal de la même année,


Venez, que je vous parle, ô jeune enchanteresse !
Dante vous eût faite ange et Virgile déesse…


l’intention est visible chez Hugo de mettre son amour sous la protection de Virgile. M. Guiard s’étonne à ce propos. « On se demande, dit-il, pourquoi il s’adresse au grand poète latin qui consolait son protecteur d’un amour méprisé et non satisfait. Les bergers et les amans sont rarement heureux dans les Bucoliques. » La remarque est très juste : mais Hugo est-il donc alors véritablement « heureux ? » Sans parler de ce qu’il y a de forcément insatisfait dans tout grand amour, sa vie n’offre-t-elle pas plus d’un motif de tristesse, qui le rend aussi avide de consolation que pouvaient l’être Corydon et Gallus ? Il n’y a pas si longtemps qu’il a composé A Olympio, ce dialogue si curieux avec lui-même, où, tout en entreprenant de nous persuader qu’il est résigné, il donne à entendre qu’il ne l’est pas. Plus récemment, il a laissé échapper bien des confidences désabusées dans les strophes A Eugène, vicomte H… Bientôt va venir la Tristesse d’Olympio, qu’on a bien pu traiter de déclamation à grand orchestre, mais qui n’en trahit pas moins, en quelques-uns de