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ministère, en allant rendre visite à M. Combes, renouait la chaîne des temps. Qui était le vrai maître sous M. Combes ? Était-ce M. Combes ? N’était-ce pas plutôt M. Jaurès ? Allait-on revoir ces jours heureux ? M. Jaurès l’espérait et il serrait M. Monis sur sa poitrine dans une accolade vigoureuse sans se douter qu’il l’étouffait. Mais M. Monis s’en doutait et en était gêné. On n’allait pas manquer de lui demander s’il gouvernerait avec les unifiés. M. Jaurès était compromettant.

La déclaration ministérielle apporterait-elle une réponse à ces questions ? Elle était attendue avec plus de curiosité que d’impatience. Bien que la durée plus longue des ministères ait rendu ces productions littéraires plus rares qu’autrefois, le genre en est un peu usé : il éveille le scepticisme. On se demandait pourtant ce qu’allait dire M. Monis. Il héritait d’une majorité relativement modérée, il avait fait un ministère très à gauche : comment les deux choses se concilieraient-elles ? Avant même qu’il comparût devant les Chambres, le bruit courait que le gouvernement leur adresserait des déclarations apaisées et apaisantes. Mais il fallait voir. Que dirait-il de l’imper sur le revenu, auquel la présence de M. Caillaux aux Finances donnait un caractère inquiétant ? Que dirait-il de la réintégration des cheminots révoqués par les Compagnies de chemins de fer ? Cette fois, c’est la présence de M. Berteaux qui était inquiétante : c’est lui, en effet, qui avait pris toutes les initiatives et multiplié les démarches pour obliger le gouvernement à forcer la main aux Compagnies. Que dirait-il des questions scolaires ? La présence de M. Steeg n’était pas rassurante. On ne nous avait pas trompés : sur tous ces points, la déclaration du gouvernement a été circonspecte et même évasive. Il y a quelques semaines, M. Caillaux avait prononcé à Lille un discours qui indiquait déjà dans son esprit une certaine détente : beaucoup de ce discours est passé dans la déclaration ministérielle. C’est certainement M. Caillaux qui a écrit le passage relatif à l’impôt sur le revenu ; il mérite d’être reproduit : « Notre première préoccupation, y lisons-nous, sera de faire aboutir la réforme de nos contributions directes. Tout disposé à apporter dans l’application de l’impôt sur le revenu les tempéramens utiles, à tenir compte des traditions, des habitudes, même en quelque mesure des préjugés, à écarter autant que le permet la logique du système tout ce qui peut alarmer les intérêts légitimes, le gouvernement n’en est pas moins résolu à soutenir devant le Sénat, dans son cadre et dans ses lignes essentielles, le projet de loi voté par la Chambre des députés. » Le gouvernement aurait pu dire plus : certainement il ne pouvait pas dire