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et qui ne doit jamais être perdue de vue lorsqu’il s’agit de décider du système à adopter pour leur organisation. L’histoire confirme, sans exception, ce que la théorie nous apprend à cet égard. Les gouvernemens, ignorant la nature véritable du billet de banque ou feignant de l’ignorer, ont, dans un grand nombre de pays et pendant des périodes plus ou moins longues, eu la prétention d’équilibrer leur budget au moyen d’émissions de papier-monnaie, c’est-à-dire de papier devant, en vertu de la loi, être accepté par tous comme monnaie et non remboursable en espèces. Ils l’ont parfois émis directement ; mais, plus souvent encore, ils l’ont fait émettre par la banque chargée de régler la circulation, et qui, à partir du moment où le Trésor s’adressait à elle, cessait de travailler dans les conditions normales. En effet, ce n’était plus aux besoins légitimes du commerce que la quantité des signes fiduciaires se proportionnait, mais à ceux du ministère des Finances, qui, dans la plupart des cas, ne fournissait pas, en échange du crédit qui lui était ouvert, de garanties susceptibles d’être transformées en espèces et ne prenait pas non plus d’engagement quant à la date du remboursement. Dès lors, la circulation était viciée par l’adjonction, aux billets créés pour des causes légitimes, de billets ne reposant que sur une promesse de l’Etat ; et, comme il ne pouvait être question de distinguer les uns des autres, toute la masse le papier souffrait d’une dépréciation commune.

Il est bien rare qu’une banque demande le cours forcé pour ses billets en dehors des époques où le gouvernement réclame son assistance. Et, à ce moment-là, ce n’est pas elle qui sollicite la loi d’exception ; c’est l’Etat qui la décrète, comme compensation à la charge qu’il impose à l’établissement, dont il absorbe à son profit, dans une mesure plus ou moins large, les ressources et le crédit. En temps normal, les billets représentent des créances commerciales à courte échéance, recouvrables en espèces et venant alimenter par conséquent la caisse émettrice, de façon à la tenir toujours suffisamment garnie pour qu’elle soit à son tour en mesure de rembourser les porteurs de billets qui désirent des espèces. Quand le gage est constitué par des bons du Trésor à échéance plus ou moins lointaine, renouvelés indéfiniment, le public cesse d’avoir confiance, et le papier perd une fraction de sa valeur par rapport au métal. Cette perte croît en raison du chiffre de la circulation additionnelle provoquée