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par les exigences fiscales et du temps pendant lequel cet excès subsiste. Quand la Banque d’Espagne avait en portefeuille près d’un milliard de créances sur le Trésor de la péninsule, son billet perdait 30 ou 40 pour 100 de sa valeur par rapport à l’or : à mesure que cette dette de l’Etat a diminué, le cours du billet s’est amélioré ; il est aujourd’hui revenu presque au pair. A l’époque où la majeure partie de la circulation de la Banque de Russie n’avait d’autre couverture qu’une créance sur l’Etat, son billet perdait la moitié de son prix nominal vis-à-vis de l’or ; aujourd’hui que l’Etat ne doit plus rien à la Banque, son papier est au pair du métal.

D’après ce qui précède, on comprend combien la nature des rapports entre ces deux puissances, l’Etat et la Banque, est importante à connaître pour juger la qualité de la circulation d’un pays et les chances qu’elle a de se maintenir au pair ou bien d’être dépréciée. Si l’Etat domine la Banque, qu’elle soit une banque d’Etat pure, c’est-à-dire sans capital apporté par des actionnaires particuliers, ou une Société par actions gérée exclusivement par des fonctionnaires, on peut redouter à tout moment de voir son omnipotence se traduire par des mesures qui auront les conséquences que nous venons d’exposer. Si au contraire l’administration de la Banque émane de ceux qui en ont fourni le capital, et dont le souci principal est de maintenir son crédit, celui-ci sera à son maximum. C’est ce qui se produit à la Banque de France, où le Conseil de régence est là pour veiller à la solvabilité de l’établissement et à l’observation de l’article fondamental des statuts que nous avons rappelé plus haut et qui prescrit le maintien d’une encaisse toujours suffisante pour assurer le remboursement à vue des billets.

Il est du plus haut intérêt, au point de vue des éventualités politiques qui pourraient surgir, de maintenir à la Banque son caractère d’établissement privé et d’éviter à tout prix de la transformer en une institution d’Etat. Il n’est guère nécessaire de rappeler ici une fois de plus l’utilité qu’il y a à séparer nettement les affaires de la Banque de celles de l’Etat. On l’a souvent répété : c’est au caractère d’institution privée que la Banque a dû en 1870 de ne pas voir ses trésors pillés, par l’envahisseur Dans une lettre qu’il adressait le 7 septembre 1870 au directeur de la succursale de Reims, le prince royal de Prusse, Frédéric-Guillaume, déclarait reconnaître qu’aux termes de ses statuts