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la Banque de France est une institution privée, dont le but unique est de venir en aide au commerce et à l’industrie ; en conséquence, les fonds qui se trouvent dans ses caisses ne pouvaient être exposés à aucune saisie, ni aucun arrêt. Ces principes ont été consacrés par la Cour suprême de la Haye. L’article 46 du règlement des lois et coutumes de la guerre, annexé à la Convention du 29 juillet 1899, déclare que « la propriété privée ne peut pas être confisquée. » D’après l’article 53, « l’armée qui occupe un territoire ne pourra saisir que le numéraire, les fonds et valeurs exigibles appartenant en propre à l’Etat, et en général toute propriété mobilière de l’Etat, de nature à servir aux opérations de la guerre. » Le rapprochement de ces deux textes est instructif, et montre à quels périls une Banque d’Etat serait exposée au cours des hostilités.

Certes, l’action des représentans de l’Etat, du gouvernement surtout, est de la plus haute importance. On conçoit qu’en concédant à une association de particuliers la faculté d’émettre des billets ayant cours légal, l’autorité publique se soit réservé le droit d’avoir un ou plusieurs délégués dans les conseils qui dirigent la marche des affaires et que ces délégués soient investis de certaines attributions et de certains pouvoirs essentiels, comme le droit de veto au cas où des mesures prises par les régens leur paraîtraient contraires aux statuts ou à l’intérêt général. Mais c’est à cela que doit se borner l’intervention de la puissance publique ; c’est là qu’elle s’arrête en France. Le gouverneur ne saurait, à lui seul, mettre à la disposition du ministre des Finances un centime des fonds de la Banque. Celle-ci discute en pleine liberté avec l’Etat les termes des arrangemens à intervenir lorsqu’elle lui consent des avances, ce qui ne veut pas dire qu’aux époques graves, elle ne le fasse pas dans la plus large mesure et avec la pleine conscience du devoir patriotique qui lui incombe. Il suffit, pour apprécier la façon dont elle s’en acquitte, de relire l’histoire, résumée plus haut, de ce que furent, lors de la guerre franco-allemande de 1870-71, ses relations avec le gouvernement français[1], auquel elle prêta, en moins d’un an, plus de 1 500 millions. Mais celui qui étudiera le détail des négociations qui eurent alors lieu verra en même temps comment un sous-gouverneur, nommé par l’État,

  1. Voyez Raphaël-Georges Lévy, Banques d’émission et Trésors publics, chap. I.