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anglais des milices du Dominion, — se chargea de la faire naître. En débarquant sur le continent nouveau et dans cette société démocratique, ce gentilhomme authentique, ce soldat vaillant éprouve bien des surprises. La médiocrité militaire des miliciens inquiète son impérialisme. La familiarité de ces soldats-citoyens blesse son orgueil. L’intervention des politiciens froisse son sens militaire. En Angleterre, les députés ne contrôlent point les promotions. En Angleterre, Tommy Atkins parle à son officier avec la même déférence qu’à son landlord, et les appelle du même nom « sir. » En Angleterre, fantassins et soldats manœuvrent avec la perfection du professionnel. Et lord Macdonald exprime son étonnement, tout haut, dans des conversations, et bientôt dans des discours. Les Anglo-Canadiens exultent. Les Franco-Canadiens murmurent. Le 14 juin 1904, lord Macdonald, pour avoir blâmé publiquement le ministre de la Guerre, qui avait rayé du tableau d’avancement un officier proposé par le Commandant en chef, est révoqué de ses fonctions.

« C’est là, déclare textuellement sir Wilfrid Laurier, l’acte d’insubordination d’un étranger qui ignore les mœurs des démocraties libres… Nous ne sommes pas habitués dans notre pays à être caporalisés. Le Général en chef doit apprendre que le gouvernement de ce pays est un gouvernement responsable, et que, lorsqu’il fait des propositions au Conseil des ministres, c’est le droit strict du ministre de la Guerre de ne pas les accepter. »

Lord Macdonald était venu, au lendemain de la guerre sud-africaine, pour donner à la coopération militaire des colonies une forme définitive ; il assista à la faillite de l’impérialisme militaire. Le Militia Act de 1904 supprime le poste de commandant en chef, crée un inspecteur général de la milice, « qui peut être un Canadien » et le sera toujours, institue un conseil de la défense nationale (art. 7, 30, 31). Par cette triple innovation, la loi donne à l’organisation militaire une autonomie absolue. Au lieu de concentrer les forces de l’Empire, elle les décentralise. Au lieu de les fondre dans une armée commune, elle accentue leur individualité. Le Militia Act, pour achever cette nationalisation des milices canadiennes, décide (art. 70 et 71) qu’elles ne pourront être employées en dehors de la colonie, que s’il s’agit d’une guerre intéressant directement la défense