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déjà chargé d’un matériel coûteux, des avances considérables : frais de manutention, frais d’entrepôts, frais de transport viennent grever lourdement un budget, où la colonne des recettes n’est remplie que près d’un an après la moisson.

J’entends bien que pour remédier à cet encombrement des rails, entre Winnipeg et Fort William, qui grandira au fur et à mesure que les champs de blé s’étendront davantage vers le Nord et vers l’Ouest[1], d’importans travaux ont été prévus. On songe à abréger par un canal la voie par trop sinueuse des grands lacs au Saint-Laurent. On prévoit un chemin de fer qui relierait la province de Saskatchewan à Fort Churchill, sur la baie d’Hudson. Le trajet de Fort Churchill à Liverpool n’a que 20 milles de plus que celui de Québec au port anglais. Les icebergs n’interdisent le passage que du 10 novembre au 20 juillet. Les industriels du blé auraient donc trois mois pour acheminer, une partie de leur récolte par la voie nouvelle. La ligne de Winnipeg à Fort William ne sera plus impraticable. 80 pour 100 de la récolte ne resteront plus entassés dans de coûteux entrepôts.

Mais cette certitude n’est encore qu’une espérance. Le tracé est décidé. Le premier coup de pioche n’a pas été donné. Il faudra laisser passer de longs mois, peut-être plusieurs années. Un paysan francisé attend. Un industriel américanisé n’attend pas.

Il est d’autant moins disposé à faire preuve de patience qu’il existe une solution immédiate et pratique. Douze lignes relient le Canada à la république américaine. Le prix du transport de Winnipeg à Liverpool est de 1 franc par boisseau. Il n’est que de 0,15 centimes de Winnipeg à Minneapolis, le grand centre de l’industrie meunière des Etats-Unis. Sur le marché américain, le froment vaut 0,15 centimes plus cher par boisseau que dans les bourgs de l’Ouest canadien : ses blés durs sont particulièrement recherchés pour des mélanges. De l’autre côté de la frontière, si voisine, les champs de blé ne grandissent plus, le rendement à l’hectare reste inférieur à celui du Canada, la population croît par bonds énormes. Dans un

  1. Terres concédées ou louées (en milliers d’acres de 40 ares).
    1895 365
    1899 1 115
    1905 4 982
    1909 6 404