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cruauté de ses persécutions, de la rigueur de ses ordres et de l’âpreté avec laquelle il s’efforçait de s’emparer de la fortune d’autrui.

Il y était en prairial alors que s’aggravaient à Paris les agitations qui avaient précédé et suivi l’exécution des Dantonistes. Dans sa correspondance, il exprimait à ses collègues des Comités le regret de ne pouvoir partager leurs périls.

« Le cri de la vengeance nationale, ajoutait-il, vient de nous apprendre les derniers attentats dirigés contre la Représentation nationale : le crime est donc aussi opiniâtre que la vertu est constante ! Hé bien ! que l’humanité soit vengée : que la vertu terrasse sans pitié le crime qui l’attaque sans mesure. Serrons de plus en plus la visse (sic) du gouvernement révolutionnaire, et que les forfaits soient étouffés tous ensemble ! Les ennemis de la République ont perdu le droit de fouler le sol de la liberté, et les pères de la patrie ne pourront faire un pas sans s’exposer à leurs poignards, tant qu’ils seront exposés à leur rencontre. Mais que dis-je ! citoyens collègues, le génie du peuple veille sur ses représentans pour écarter les périls loin de leurs têtes, et les représentans du peuple n’ont besoin que de leur conscience pour fermer leurs cœurs à la crainte. »

On se rappelle que, quelques semaines avant, le 27 germinal, la Convention avait décrété que les prévenus de conspiration seraient traduits de tous les points de la République au Tribunal révolutionnaire de Paris. A peine en possession de ce décret, Le Carpentier se prépara à l’exécuter. Dès la mi-prairial, il expédiait à Fouquier-Tinville un premier convoi de prévenus, au nombre de vingt-neuf : dix-sept hommes et douze femmes. Parmi ces malheureux figuraient Magon de la Villehuchet père, Mme Magon de Coëtizac, son fils âgé de trente-cinq ans, son neveu Marie Gardin et la marquise de Saint-Pern-Ligouyer qui allait être septuagénaire. Le Carpentier avait eu la cruauté de l’arracher aux bras de son mari, à qui des soins qu’elle seule savait lui donner étaient nécessaires. Il le réservait pour une autre expédition.

Sa décision était d’autant plus inique que le maire et les officiers municipaux de la commune de Guitté, sur laquelle est situé le château de Couëllan, résidence du marquis et de la marquise de Saint-Pern, s’étaient émus en apprenant l’arrestation des châtelains et avaient fait parvenir à Le Carpentier un