Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soit, et quoi qu’on en puisse dire, M. Briand venait de remplacer M. Clemenceau de la même façon que M. Clemenceau avait remplacé M. Sarrien. Ce fut pour beaucoup un joyeux avènement. Son message de bienvenue, sa déclaration ministérielle, promettait. Plus d’un s’imagina qu’il y passait comme un souffle de renouveau, et plus d’un qui ne se croit pas, que personne ne croit un naïf. Je me rappelle m’être trouvé, quelques jours seulement après la formation du Cabinet, en compagnie de M. Briand et d’un homme universellement réputé pour sa suprême finesse, où l’air de la Gascogne et l’air du boulevard ont mis et mêlé, au cours d’une vie longue et pleine, tout ce qu’ils ont de plus subtil : « Si c’était pour chausser les vieux souliers de M. Combes, insinuait-il, ce ne serait pas la peine d’être revenu de si loin ! » Et M. Briand approuvait au moins d’un sourire. Nous, que la passion d’une grande cause aveuglait peut-être, nous prenions aussitôt notre part de ce sourire approbateur, et nous nous flattions d’y voir une sorte de commentaire, autorisant toutes les espérances, à un texte que sa nature, sa destination, les lois mêmes du genre, avaient condamné à rester prudent. A présent que nous relisons le document, à la lumière de ce qui est arrivé depuis lors, il nous faut confesser qu’il n’y avait certainement rien dans le texte et qu’il n’y avait sans doute pas tant de choses dans le sourire. « La Chambre a décidé d’inscrire en tête de son ordre du jour la réforme électorale, déclarait, le 27 juillet 1909, le président du Conseil. Le gouvernement ne méconnaît ni l’importance de la question, ni la nécessité du débat, mais il n’échappe à personne qu’il ne peut prendre parti qu’après avoir appuyé son opinion sur l’étude des faits. Dès maintenant, il pense qu’il y aura lieu de mettre le pays en mesure de faire, dans les élections municipales, l’essai méthodique d’un système de proportionnalité. » Nous pouvions bien répondre : « Pour la première fois en France, le gouvernement parle officiellement de la représentation proportionnelle… La réforme électorale est une de ces questions qu’il faut ou bien ne pas poser ou bien résoudre. Elle est posée, elle sera résolue ; car nous avons avec nous toute la France politiquement vivante et pensante, la plus illustre élite et les masses anonymes averties par un sûr instinct. » Mais M. Briand répliquait : un débat, soit : « Le gouvernement sera au rendez-vous : il n’essaiera pas de biaiser, il