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certaine importance. A côté de lui, il faut citer, tout de suite, M. Joffre qui a composé avec une sûreté et une finesse de nuances des plus remarquables le rôle de Moreau-Janville, le corrupteur honnête. M. Lérand traduit très, bien le flou du caractère de Bourdelot, qui consiste à n’avoir pas de caractère. M. Lamothe dans le rôle du fils Portal n’a pas manqué de jeunesse et de flamme. Les rôles de femmes sont convenablement tenus par Mmes Grumbach et Roggers.


Je me suis attardé à étudier le Tribun, et il me reste bien peu de place pour les autres pièces. Mais ce sont des pièces heureuses qui n’ont pas d’histoire. A la Renaissance, au lendemain du Vieil homme, M. Tarride a compris la nécessité de dissiper l’impression laissée par ce spectacle pénible. Il avait justement sous la main une pièce de MM. Pierre Veber et Henry de Gorsse, la Gamine, tour à tour gaie et sentimentale, côtoyant parfois le vaudeville, et d’autres fois avoisinant la comédie. D’ans l’austère et dévot intérieur de ses tantes, à Pont-Audemer, Colette s’ennuie. Mise en demeure d’épouser un jeune crétin de l’endroit, Alcide Pingouin, elle prend la clé des champs, et débarque un beau matin, à Paris, chez le peintre Delannoy, membre de l’Institut, qui s’est jadis intéressé à ses barbouillages. L’arrivée de cette échappée de province chez le vieux célibataire donne lieu à toute sorte d’incidens comiques qu’il n’est pas très difficile d’imaginer. Colette qui est jeune, qui a besoin d’aimer, est persuadée qu’elle est amoureuse de son protecteur quinquagénaire. Nous sommes un peu inquiets : les quinquagénaires au théâtre ont, depuis quelque temps, trop de succès auprès de ces vertes « jeunesses. » Arnolphe ne trouverait plus de cruelles auprès des Agnès du XXe siècle. La présence d’un élève du maître, qui est précisément un « pays » de Colette, sauve la situation. Tout finit par un mariage assorti. Le tableau des mœurs provinciales au premier acte est très amusant, dans une note caricaturale. La gamme des sentimens, aux deux actes suivans, est très heureusement notée. La Gamine aura beaucoup de succès. Un de ceux que je lui souhaite serait d’amener M. Pierre Veber à un genre de comédie un peu plus solide, dont il est très capable, et dont les meilleurs amis de son talent ne le tiennent pas quitte.

Mlle Lantelme a été tout à fait charmante dans le rôle de la Gamine ; M. Boucher très amusant dans le rôle grotesque d’Alcide Pingouin, « l’enfant de Joseph. » M. Candé, dans le rôle de Delannoy, a beaucoup de naturel et d’autorité.