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Si on a pu, à l’origine, choisir entre plusieurs politiques au Maroc, quand on en a adopté une, il faut s’y tenir. Celle que nous avons adoptée consiste à donner de la force au Sultan et à le mettre à même de remplir avec efficacité son rôle de souverain. Il se fait fort de nous faire rendre justice : attendons. S’il échoue dans la tâche qu’il a entreprise, s’il ne tient pas la promesse qu’il a faite, nous serons à temps d’aviser, et c’est sans doute pour indiquer cette résolution que nous avons envoyé 2 000 hommes de renfort dans la Chaouïa. On dit à la vérité que, plus tard, les circonstances seront pour nous plus défavorables, parce que les moissons seront faites et que nous n’aurons pas les mêmes moyens d’action contre les tribus criminelles. Quelle que soit la valeur de cette considération, on aurait tort d’y tout subordonner. Mieux vaut, en ce moment, faire confiance au Sultan qui commence à voir en nous des amis et que l’expérience de chaque jour nous ramène. Sa situation est loin d’être solide ; les journaux sont pleins des nouvelles les plus contraires qui la représentent un jour comme désespérée et le lendemain comme sauvée ; en réalité, elle reste incertaine et elle ne cessera de l’être que le jour où il aura une petite force bien organisée par nos instructeurs militaires. On a posé la question de savoir si ces instructeurs devaient, ou non, accompagner les troupes au combat ; à notre sens, il n’y a pas de doute ; nos instructeurs perdraient toute autorité sur leurs hommes, si, après les avoir préparés au combat, ils ne les y suivaient pas ; ils perdraient ainsi l’occasion de juger à l’œuvre l’instrument militaire qu’ils auraient formé et d’en reconnaître les défauts afin de les corriger. Il doit être seulement bien entendu que, s’il leur arrive malheur, notre responsabilité n’y est pas engagée. Notre politique à l’égard du Sultan doit être très nette ; nous n’avons jamais à confondre nos troupes avec les siennes ; nous ne combattons pas avec lui et pour lui. Une politique différente a été conseillée quelquefois : grâce à Dieu ! elle n’a pas prévalu. Sa fortune est la sienne et non pas la nôtre. Mais puisque nous avons une mission militaire à Fez nous devons désirer qu’elle y remplisse un rôle utile, au Maroc et digne de la France. C’est d’ailleurs ce qu’elle a toujours fait jusqu’ici.

Cette discussion sur le Maroc, qui était, sinon nécessaire, au moins inévitable à l’avènement d’un ministère nouveau, a laissé en l’état les questions qui y ont été traitées. Elle s’est terminée, comme elle devait le faire, par un vote d’approbation et de confiance dans lequel le gouvernement a eu 365 voix contre 74. Les socialistes ont seuls voté contre lui ; mais il y a lieu de remarquer qu’il y a toujours