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d’Angleterre pourraient dire de même ; pour les races germaniques la chasteté est l’unique vertu qui s’oppose à la sensualité ; trop manger et trop boire ne sont pour eux que péchés véniels, qui ne comptent même pas, n’ayant pas de caractère esthétique. C’est comme si l’absence de tout élément intellectuel épurait pour eux la jouissance : aussi la quantité leur importe-t-elle plus que la qualité, ils sont plus gourmands que gourmets. La simple satisfaction des sens les laisse assez indifférens, pourvu qu’aucune importance n’y soit attachée, qu’aucune idée surtout esthétique ne vienne s’y joindre. Hall s’emporte contre ces festins « où l’odorat se plaît autant que le goût, et l’œil autant que l’un ou l’autre. »

Pour ce qui est des rapports des sexes, ils sont intraitables contre une beauté séductrice, contre une belle passion ; ils lapideraient Aspasie, Marie Stuart ou Mlle de Lespinasse. D’autres péchés, plus grossiers à nos yeux, sont plus ou moins tolérés ; la galanterie ne l’est pas. Bunyan fut ivrogne et n’en marqua pas trop de repentir, mais il faut voir la violence avec laquelle il se défend contre l’accusation d’adultère, allant jusqu’à dire que, sauf par la différence du costume, il ne saurait qu’il existe au monde d’autre femme que la sienne. Et Bunyan, voyant une mauvaise intention dans les actes les plus simples de la vie, répudie la société des femmes au point qu’il ose à peine serrer la main de l’une d’elles. Quant aux expressions dont Knox qualifie Marie Stuart, elles sont intraduisibles. Ailleurs, approuvant une loi nouvelle, il regrette que l’adultère n’entraîne plus le dernier supplice. En cela les puritains d’Angleterre ont été d’accord avec lui : « La galanterie fut taxée de crime, dit Taine, l’adultère puni de mort. » Aussi tout ce qui pouvait, selon eux, encourager le libertinage, était-il sévèrement proscrit, par exemple la danse. Bunyan parle du regret avec lequel il y renonça, et Knox parlant de « la danse et autres plaisirs de ce genre, propres à exciter les appétits désordonnés, » traite ce gracieux passe-temps d’exercice peu convenable aux honnêtes femmes. Prynne aussi condamne la danse comme étant « idolâtre, païenne, charnelle, mondaine, sensuelle et peu séante à des chrétiens : » elle est « incompatible, dit-il, avec la sainteté, la modestie, la tempérance, la gravité et la sobriété que Dieu exige ; » le diable seul en est l’auteur et y prend plaisir.

Avec la danse, le théâtre est le divertissement le plus