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qui a été fait sous mes yeux par MM. Alfred de Vigny, Auguste Barbier et Léon de Wailly. » Toutefois, quand l’ouvrage, en 1838, sera représenté, le nom d’Alfred de Vigny ne paraîtra pas sur l’affiche.

Au mois de février 1835, pendant les répétitions de son drame de Chatterton, Alfred de Vigny adressa au couple Berlioz une loge pour la première. La réponse de Berlioz explique à Vigny la raison, ou le prétexte, qui empêchera l’actrice anglaise de venir : « La tristesse que lui cause l’obscurité où son talent se trouve condamné momentanément par les circonstances est trop poignante pour qu’une solennité dramatique comme celle où vous voulez bien l’inviter ne soit pas une épreuve cruelle qu’il vaut mieux éviter. » Il est certain que, chez Henriette Smithson, le chagrin de rester inutilisée s’irritait quelquefois jusqu’à la souffrance la plus aiguë. D’autre part, comme le fait remarquer, d’une manière générale, M. Adolphe Boschot, qui a écrit sur Berlioz un réquisitoire sans mesure, au double sens du mot, mais curieusement documenté, « l’ancienne Ophélia, et lui-même, un lion de la musique romantique, ils ne pouvaient se montrer en soirée ou au concert que vêtus selon la fashion la plus irréprochable. Esclaves du paraître, une négligence de tenue aurait notifié à tous leur déchéance. » Quoi qu’il en soit, Berlioz, en échange de la « loge » qu’il renvoie, réclame une simple « stalle. » Il tient à occuper son poste. « J’irai donc seul applaudir Chatterton avec la chaleur d’affection et d’enthousiasme que je ressens pour le poète et pour la cause qu’il plaide si bien. » Et, en effet, dans la soirée mémorable du 21 février 1835, Berlioz rendit à Vigny ses applaudissemens du Conservatoire. On se rappelle le bulletin de victoire adressé à Brizeux : « Où étiez-vous ? Quand Auguste Barbier, Berlioz, Antoni et tous mes bons et fidèles amis me serraient sur leur poitrine en pleurant, où étiez-vous ? Mon premier mot à Berlioz a été : Si Brizeux était ici ! »

Tout porte à croire que Vigny, de son côté, assista, le 13 décembre 1835, au premier concert où l’auteur de la Symphonie fantastique ait pris le bâton de chef d’orchestre pour assurer la fidélité de l’interprétation et particulièrement l’observation scrupuleuse des rythmes et des mouvemens dans l’exécution de ses ouvrages. On a publié une lettre du 9 décembre dans laquelle Berlioz prie Victor Hugo de venir l’entendre ; on n’a