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concert. » L’assistance très nombreuse avait manifesté, au dire du journaliste, un véritable enthousiasme à propos de la Marche hongroise à la fin de la première partie de Faust, et de la danse des Sylphes dans la seconde partie. La semaine d’après, l’Athenæum publia une grande étude analytique sur la cantate de Faust. Dans presque tous les journaux londoniens où il fut parlé du concert, ce sont les termes élogieux qui dominèrent. Quoique réduit de moitié, l’article du Times, écrit par Davison, produisit « son effet. » Le « vieux Hogarth du Daily News » disait à Berlioz « dans une agitation des plus comiques » que tout son sang « était en feu, » qu’il n’avait jamais été « excité de la sorte. »

Berlioz écrivit à Vigny, le 10 février, pour le remercier de l’avoir tant aidé à gagner la partie :

« Mon cher de Vigny, je vous remercie de vos aimables lettres ; avant même que je les eusse portées, le comte d’Orsay m’avait invité (grâce à vous toujours) à aller passer la soirée chez lui. J’y ai reçu l’accueil le plus gracieux du maître et de la maîtresse de la maison. Ils m’ont parlé de vous comme en parlent tous ceux qui vous connaissent ; mais j’ai eu bien du regret de donner à M. d’Orsay l’adorable lettre d’introduction que vous m’aviez permis de lire en la recevant. Cette lettre est un chef-d’œuvre d’esprit, de style et de bonté (cette rare qualité que je mets au-dessus de toutes les autres et qui ne se trouve guère bien pure qu’unie à une intelligence élevée). Elle m’a fait sentir de nouveau combien il est doux d’aimer les gens qu’on admire. Merci ! je vous serre la main de tout mon cœur.

« Bocage est de retour à Paris. L’acteur tragique dont je vous ai parlé se nomme Brooke : il continue à faire fureur dans Othello et dans sir Giles du Nouveau moyen de payer ses vieilles dettes. Vous parlez du bonheur des compositeurs qui n’ont pas besoin de traductions ! Au contraire nous en avons besoin et c’est là notre grand malheur. Dieu sait comment j’ai été traduit en allemand pour Roméo et pour Faust. Chorley vient de traduire en anglais les deux premiers actes de Faust que j’ai donnés lundi à mon concert de Drury-Lane et heureusement on dit que c’est bien. En tout cas, j’ai été splendidement exécuté et ma musique a pris sur cet auditoire anglais comme le feu sur une traînée de poudre. J’ai eu un succès de tous les diables, on m’a rappelé, on a fait redire deux scènes de Faust, et toute la